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Evénement

Dossier de GWENAELLE CLAIRE sur le COVID 19

Les équipes de l'Institut de Formation Interhospitalier Théodore Simon ont réalisé ce dossier sur la pandémie actuelle de covid-19 avec des aspects médicaux, juridiques, éthiques

Les équipes de l'Institut de Formation Interhospitalier Théodore Simon ont réalisé ce dossier sur la pandémie actuelle de covid-19 avec des aspects médicaux, juridiques, éthiques

 

 

 

Le texte est accessible en version PDF au bas de l’article


Année 2019-2020

 

 

UE 1.2 Santé publique

UE 1.3 Législation éthique déontologie

UE 4.2 Soins relationnels

UE 4.3 Soins d’urgence

 UE 5.4 Soins éducatifs et formation des professionnels
et des stagiaires

 

 

 

COVID-19 :

 

 

Sante publique et éthique

 

 

 

 

Auteurs :

 

Saïda Azzout, Aude Chevalier,

Gwenaëlle Claire, Christelle Dorbon,

Marion Grévin, Anne-Frédérique Leroy,

Véronique Pichard, Ana Maria Dos Santos.

 

Dossier coordonné par Gwenaëlle CLAIRE

 

 

 

 

 

Version 1 - 30 mars 2020

 

     

                                                                  Il revient aux habitants des villes

d’apprendre à vivre au milieu de la différence

 et d’affronter autant les menaces

que les chances qu’elle représente.

 

Zygmunt Bauman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

Prendre soin, c'est porter une attention particulière

à une personne qui vit une situation particulière

c'est-à-dire unique.

 

Walter Hesbeen

 

 

 

Sommaire

 


 

 

Introduction

I.       La crise du COVID, une urgence de sante publique mondiale

1.            D’une épidémie à une pandémie

2.            Déclaration d’urgence de santé publique de portée internationale

3.            Organisation du système national de santé publique

4.            Evolution chronologique au niveau national

5.            Caractéristiques du virus et épidémiologie

6.            Les mesures de prévention

II.      Questionnements Éthiques

1.            Informations

2.            Virus et place de l’Homme

3.            Tous concernés ?

4.            Autonomie et justice

7.            Des informations

8.            Égalité, équité, dignité

9.            Décisions

10.         Accompagnement

11.         Souffrance soignante

Conclusion

Bibliographie

 

 


Introduction

 

 

 

 

La pandémie provoquée par le Coronavirus vient brutalement, en mars 2020, bouleverser le quotidien national. Elle impactera profondément chaque soignant ou futur soignant impliqué dans la gestion de cette crise sanitaire.

 

Cette crise laisse émerger des incompréhensions, de fausses informations, des discussions enflammées sans réels arguments fondés. Elle renvoie chacun d’entre nous à la peur, la prise de conscience d’une certaine impuissance, dans une société qui donnait l’impression de tout contrôler.  Elle révèle en outre la fragilité et la difficulté du travail des professionnels médicaux et paramédicaux.

 

Les tensions engendrées par le manque de moyens et les limites dans les capacités de prise en charges créent à grande échelle des dilemmes éthiques que les professionnels connaissaient, mais qui se posaient de façon moindre, et à huis clos. Aujourd’hui, ces difficultés s’expriment au grand jour et tout un chacun prend enfin la mesure de la crise que traverse notre système de soins.  

La population est aujourd’hui inquiète du tri des patients, du respect de la dignité, de l’équité et de la justice. Par ailleurs, certains citoyens défient les règles prescrites nationalement, au nom d’une affirmation de leur liberté. 

 

Le philosophe Eric Fiat commente, à propos du coronavirus : « le moindre hommage que l’on puisse faire à l’évènement massif qui nous arrive, est d’avouer qu’on ne le comprend pas : qu’il nous prend, plutôt que nous ne le prenons ». (FIAT E., 2020).

Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé, répondant à la saisine du ministre en charge de la santé et de la solidarité (CCNE,13 mars 2020), « souligne aussi l’importance pour les décideurs de garder en permanence à l’esprit le devoir fondamental d’expliquer et de rendre intelligibles les décisions contraignantes d’urgence en santé publique, dans la mesure où cela conditionnera leur acceptabilité ».

Il recommande en outre que « les stratégies de communication actuelles […] devraient s’appuyer sur le corps social pour être comprises, critiquées, intégrées intellectuellement et ensuite relayées. L’appropriation par la société de notions complexes, […] mais aussi la compréhension des difficultés rencontrées par les décideurs, de leurs dilemmes, est possible et peut   donner sens aux mesures prises et à leur acceptabilité par les citoyens. L’information adressée, individualisée, dans des cadres sociaux, locaux et professionnels, autant que personnels et familiaux, est un relai majeur de la confiance. »

 

Au regard de ces recommandations nationales en termes de communication professionnelle, nous vous proposons, dans le cadre du semestre 4, un questionnement de la « crise du coronavirus » sous l’angle de la santé publique et de l’éthique, et qui se limite à l’état du monde tel qu’il s’est présenté à nous à la date de rédaction de ce document.

Nous avons initié ce travail, afin de donner accès à tous à des données fiables. Chaque membre de ce collectif a pu ressentir la complexité des enjeux soulevés par cette pandémie inédite. Et en même temps, tous ont mesuré comme la solidarité permet de peu à peu retrouver une pensée organisée, et aider à rendre habitable un monde qui paraissait avoir sombré dans le chaos.

 





 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I.              La crise du COVID, une urgence de sante publique mondiale

 

1.    D’une épidémie à une pandémie

 

Tout a commencé en Chine, dans la province du Hubei et particulièrement dans la ville de  Wuhan  (environ 11 millions de personnes) en décembre 2019, où des cas de pneumonies pouvant parfois se compliquer et nécessiter une assistance respiratoire apparaissent.

 

Le 03 janvier, un article de la BBC est le premier au monde à révéler cet état d'infections en Chine, à Wuhan. Il est alors question d'un « virus mystère » et de 44 cas de personnes touchées, dont 11 « graves ».

Le 9 janvier 2020, la découverte d’un nouveau coronavirus (d’abord appelé 2019-nCoV puis officiellement SARS-Cov2) est annoncée par les autorités sanitaires chinoises et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ce nouveau virus est l'agent responsable de cette nouvelle maladie infectieuse respiratoire appelée COVID-19 (pour Corona Virus Disease).

 

Le réservoir de virus est probablement animal (dans ce cadre, cette pathologie serait donc une zoonose). Même si le SARS-Cov2 est très proche d’un virus détecté chez une chauve-souris, l’animal à l’origine de la transmission à l’homme n'a pas encore été identifié avec certitude. Plusieurs publications suggèrent que le pangolin, petit mammifère consommé dans le sud de la Chine, pourrait être impliqué comme hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme (pasteur.fr, 2020).

 

Le 22 janvier, au vu de la diffusion rapide de la maladie et de ses conséquences (555 personnes sont déclarées contaminées, 17 ont perdu la vie), le gouvernement chinois place en quarantaine trois villes de la province de Hubei particulièrement impactées par le virus : Wuhan, Huanggang et Ezhou, soit une population de plus de vingt millions d'habitants.

 

Malgré cela, les contaminations continuent et quelques cas sont signalés en dehors de Chine.

 

Le 24 janvier, l’OMS demande « à tous les pays » de mettre en place des mesures pour détecter les cas de coronavirus. En Chine, 25 morts sont déclarés sur un total de 830 personnes contaminées.

La Chine est alors confrontée à une épidémie. Pour rappel, une épidémie se définit comme une « brusque augmentation du nombre de cas d’une maladie normalement enregistrée dans une communauté, dans une zone géographique ou pendant une saison donnée. Une flambée peut se produire dans une zone restreinte ou s’étendre à plusieurs pays. Elle peut durer quelques jours ou quelques semaines, voire plusieurs années.

Un seul cas d’une maladie transmissible depuis longtemps absente dans un groupe de population ou due à un agent pathogène (bactérie ou virus) encore jamais observé dans la communauté ou la zone concernée, ou l’apparition d’une maladie jusqu’alors inconnue peuvent également constituer une flambée épidémique ; ils devraient être signalés et faire l’objet d’une enquête ». (who.int, 2020).

Les données épidémiologiques (taux d’incidence, de prévalence, taux de mortalité) relevées au niveau mondial, montrent une dissémination des cas vers de nombreux pays, notamment du fait de personnes qui s’étaient rendues en Chine, peu avant et au début de l’épidémie.

 

Le rôle de l’OMS pendant cette crise est de :

 

-          Travailler en étroite collaboration avec les experts mondiaux, les gouvernements et les partenaires pour élargir rapidement les connaissances scientifiques sur ce nouveau virus

-          Suivre la propagation et la virulence du virus (OMS, 2020).

-          Donner des conseils aux pays et aux individus sur les mesures à prendre pour protéger la santé et empêcher la propagation de cette flambée.

 

L’OMS parle alors d’épidémie mondiale et émet différentes recommandations qui sont réajustées régulièrement. (OMS, 2020).

 

2.    Déclaration d’urgence de santé publique de portée internationale

 

Le 30 janvier, soit trois semaines après l'identification du virus, l'OMS décrète l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) ou urgence sanitaire. A ce stade, il est comptabilisé vingt pays touchés, près de 10 000 personnes infectées et plus de 200 morts. 

 

Cette urgence est déclenchée à la suite de la réunion d’un comité d’urgence au sein de l’OMS, composé d’experts internationaux, lors d'un « événement extraordinaire dont il est déterminé qu'il constitue un risque pour la santé publique dans d'autres États en raison du risque international de propagation de maladies ».

Le comité d'urgence a un rôle consultatif. À la fin de cette réunion, les experts rendent leur avis technique au directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesu, qui prend alors la décision de déclencher l'alerte :

« Je déclare l'épidémie une urgence de santé publique de portée internationale ».

Cette urgence sanitaire est notamment déclarée car le comité d’urgence craint que l'épidémie touche des États dont le système de santé ne serait pas suffisamment développé pour gérer la crise.

 

Depuis le week-end du 22-23 février 2020, la situation épidémique évolue encore au niveau mondial avec une intensification des foyers en Corée du Sud, au Japon, et à Singapour, et l’apparition de nouveaux foyers en Iran et en Italie. Dans ces pays, on assiste alors à une diffusion communautaire, sans lien identifié avec des cas importés de Chine.

Le 10 mars 2020, tous les pays de l'Union européenne sont désormais touchés par le COVID-19.

 

Le 11 mars 2020, l’OMS annonce que le COVID-19 peut être qualifié de pandémie, c’est-à-dire que l’épidémie est désormais mondiale. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, fait une allocution afin d’annoncer cette crise, la première déclenchée par un coronavirus. (OMS, 2020).

 

Il résume son discours en quatre points clés :

 

-          Premièrement, se préparer et se tenir prêt ‎

-          Deuxièmement, détecter, protéger et traiter ‎

-          Troisièmement, réduire la transmission

-          Quatrièmement, innover et apprendre‎

 

A la date du 21 mars, la maladie COVID-19 a tué au moins 11 000 personnes dans le monde, avec plus de 265 000 cas d’infection, selon un bilan établi vendredi 21 mars par l’AFP, à partir de sources officielles. L’Italie est alors le pays le plus touché, devant la Chine et l’Iran, en nombre de morts.

                                                                            

      Qu’est-ce qu’une pandémie ?

 

Une pandémie est une propagation mondiale d’une nouvelle maladie. Elle est caractérisée, par l’OMS, en 6 phases (OMS, 2009) :

Phase 1 : Les virus circulent uniquement chez les animaux. Aucune infection humaine n’a résulté du virus animal.

Phase 2 : Un virus animal a provoqué une infection chez un être humain. À ce stade, il y a un niveau de base de menace pandémique parce que la souche du virus a muté pour effectuer ce transfert à un humain.

Phase 3 : De petites grappes d’êtres humains ont contracté le virus dans une communauté. Il existe un risque de propagation du virus si d’autres personnes à l’extérieur de cette communauté entrent en contact avec les humains infectés. À ce stade, la maladie peut être épidémique dans cette communauté, mais ce n’est pas pandémique.

Phase 4 : La transmission du virus de l’homme à l’homme et de l’animal à l’humain provoque des épidémies dans de nombreuses communautés et de plus en plus de personnes tombent malades dans ces communautés. Un plus grand nombre de communautés signalent des flambées et une pandémie est plus probable, même si, selon l’OMS, une pandémie n’est pas prévisible.

Phase 5 : La transmission interhumaine a lieu dans au moins deux pays d’une région de l’OMS. L’OMS dispose d’un réseau de 120 centres nationaux de la grippe dans 90 pays différents. Au cours de la phase 5, la plupart des pays ne sont pas encore touchés, mais une pandémie est considérée comme imminente.

Cette phase est le signal que les gouvernements et les responsables de la santé doivent être prêts à mettre en œuvre leurs plans d’atténuation de la pandémie.

Phase 6 : Une pandémie mondiale est en cours. La maladie est très répandue et les gouvernements et les responsables de la santé s’emploient activement à enrayer la propagation de la maladie et à aider leurs populations à y faire face en utilisant des mesures préventives et temporaires.

 

 

3.    Organisation du système national de santé publique

 

La France n’échappe pas à cette situation sanitaire inédite et son système de santé publique est en première ligne pour l’affronter.

 

Le système de santé publique s’entend comme l’ensemble des organisations, des institutions, des ressources et des personnes, dont l’objectif principal est d’améliorer la santé de l’ensemble de la population.

 

En France, l’État apparaît comme le chef d’orchestre de l’organisation du système de santé.

Il a dans ses missions celle d’assurer la santé de la population, comme l’introduite l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi rédigé « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » (Conseil Constitutionnel).

 

Afin de prendre les décisions concernant cette crise sanitaire, il s’appuie sur le Ministère de la Santé et des Solidarités et sur son Ministre, Olivier Véran.  Ce dernier est assisté par le Directeur Général de la Santé, le Professeur Jérôme Salomon, lui-même infectiologue.

D’autres acteurs occupent également une place stratégique en ce qui concerne le pilotage de la situation : le Conseil Scientifique et Santé Publique France.

 

4.     Evolution chronologique au niveau national

 

·         Premiers cas

 

Le 24 janvier 2020 au soir, en France, le Ministère de la Santé et des Solidarités confirme que trois premiers patients sont atteints par le Coronavirus et sont hospitalisés dans l'Hexagone. Ils sont présentés comme « les premiers cas européens ».

 

Santé Publique France commence à diffuser des messages de prévention (radio, télévision, affichage) sur les gestes-barrière.

 

Le 3 mars 2020, 212 cas sont confirmés, 2 876 cas dix jours après.

 

Le 10 mars, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, annonce que 5.000 lits de réanimation sont disponibles en France, avec 7.364 lits supplémentaires dans les unités de soins intensifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

      Du signal a l’alerte sanitaire nationale

 

Une alerte sanitaire est lancée après la réception d’un signal sanitaire.

Ce signal est envoyé à la suite d’un évènement inhabituel ou inattendu susceptible d’avoir un impact important sur la santé de la population. Le signal nécessite une vérification, il doit également informer d’un risque sanitaire pour y être validé. S'il présente une menace confirmée pour la santé publique, une alerte de santé publique est envoyée.

Lorsque la menace est confirmée, l’alerte doit être déclenchée par l’Agence Régionale de Santé de la région d’où est originaire le risque. L’alerte locale est évaluée pour déterminer si elle nécessite une information relayée au niveau national.

Après la validation de l’alerte et son lancement, l’organisation de la réponse peut débuter. Il s’agit de déterminer si les capacités régionales sont suffisantes ou si des mesures de gestion complémentaires sont indispensables (Ministère des solidarités et de la santé, 2019).

 

 

 

·         Création d’un conseil scientifique

 

Le 11 mars, la création d’un conseil scientifique, à la demande du Président de la République, « pour éclairer la décision publique » est annoncée, par le ministre de la santé. Il est présidé par Jean François Delfraissy, médecin épidémiologiste et actuel président du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), et compte 11 membres venant de champs disciplinaires complémentaires (LASCAR O., 2020). 

 

Ces experts se sont notamment appuyés sur une modélisation de l’évolution de la situation, établie par une équipe menée par un épidémiologiste britannique, Neil Ferguson, de l’Imperial College à Londres, qui a établi différents scénarios de progression de l’épidémie.

 

Cette modélisation s’appuie sur l’analyse de différentes pandémies grippales et l’évaluation des différentes interventions possibles pour endiguer la propagation d’un virus, comme la fermeture des écoles, la mise en quarantaine des personnes infectées, ou encore la fermeture des frontières.

 

Le conseil scientifique français a étudié cette modélisation en regard de la situation en France, en retenant les hypothèses de transmissibilité et de mortalité probables les plus élevées, et ce, en l’absence de toute mesure radicale de prévention et d’éloignement social.

 

Dans ce cas de figure, entre 30 000 et 100 000 lits de soins intensifs seraient nécessaires pour accueillir les patients au pic de l’épidémie.

Ces résultats sont présentés le jeudi 12 mars à l’Élysée.

 

 

 

 

·         Premières dispositions officielles

 

Ces estimations ont permis de réaliser que les premières dispositions prises par les autorités françaises pour tenter de freiner la vague épidémique (limitation des rassemblements et isolement des personnes âgées) s’avèrent insuffisantes (HECKETSWEILER C. ; PIETRALUNGA C., 2020).

Quelques heures, plus tard, le Président de la République prend pour la première fois, la parole devant les Français pour expliquer « l’urgence » de la situation. Il mentionne notamment que la France traverse « la crise sanitaire la plus grave [que le pays ait connue] depuis un siècle » et que « malgré nos efforts pour le freiner, le virus continue de se propager. Nous le savions, le redoutions ».

 

Il annonce donc, alors que le Ministre de l’Éducation l’avait quelques heures avant exclue, la fermeture de tous les établissements : crèches, écoles, collèges, lycées et universités, dès le lundi 16 mars, avec un enseignement qui se fera à distance grâce aux Environnements Numériques de Travail (ENT) et à la plateforme pédagogique gratuite du Centre national d'enseignement à distance (CNED).

 

Il demande la généralisation du télétravail quand cela est possible et annonce qu’en cas d’impossibilité de télétravailler, les parents pourront bénéficier d'un arrêt de travail indemnisé et qu’un « service de garde [des enfants] sera mis en place région par région » pour les professionnels de santé.

 

Il annonce que le premier tour des élections municipales prévu le dimanche 15 mars est maintenu, malgré cette crise sanitaire liée au coronavirus, car il estime important, « d’assurer la continuité de notre vie démocratique ». Il précise toutefois qu’il faut veiller au respect strict des gestes « barrière » et des recommandations sanitaires dans les bureaux de vote, en évitant notamment les files d’attentes.

 

Il appelle les personnes âgées de plus de 70 ans à limiter leurs déplacements au maximum, du fait de leur vulnérabilité et enjoint les personnes ayant un proche hébergé dans un EHPAD de ne pas lui rendre visite, pour ne pas risquer de le contaminer. 

 

·         Mesures d’aides aux prises en charges médicales

 

Le Président de la République annonce également des mesures pour aider l’hôpital public à affronter cette crise sanitaire et notamment le report des soins non essentiels car “des places doivent se libérer dans les hôpitaux”, et demande aux structures de libérer le maximum de lits dans les services de réanimation, où vont être pris en charge les cas de coronavirus les plus sévères. « Toutes les capacités hospitalières nationales ainsi que le maximum de médecins ET DES SOIGNANTS SERONT MOBILISÉS, ainsi que les étudiants et les jeunes retraités », évoquant ainsi la “réserve sanitaire”. 

 

                

 

La réserve sanitaire

 

La réserve sanitaire est composée de professionnels de santé volontaires (médecins, infirmiers, aides-soignants, pharmaciens, psychologues, ambulanciers, etc.), d’agents hospitaliers non soignants (secrétaires médicaux, cadres hospitaliers, etc.) et de professionnels des Agences Régionales de Santé (épidémiologistes, etc.) qui peuvent être en activité, sans emploi, retraités depuis moins de cinq ans ou étudiants.

 

Ces derniers s’inscrivent comme réservistes via une plateforme en ligne « reservesanitaire.fr »

 

Sa mission est l’intervention en renfort, en appui, à des acteurs sanitaires lorsque ces derniers ne suffisent pas à endiguer une crise, que ce soit sur le territoire français ou à l’étranger, en cas de situation sanitaire exceptionnelle (crise sanitaire, épidémie, catastrophe naturelle, etc.).

 

La réserve sanitaire est mobilisée soit par le Ministère de la Santé, soit par les Agences Régionales de Santé, et ce, dans des délais très rapides.

 

Les missions sont réalisées sur la base du volontariat, avec l’accord de l’employeur pour les personnes en activité et sur le temps de travail.

 

Tous les frais sont pris en charge et les professionnels ou les employeurs sont indemnisés.

 

Les missions durent en moyenne 10 à 15 jours et ne peuvent excéder 45 jours cumulés sur une année civile. Exceptionnellement, la durée peut être portée à 90 jours.

 

 

 

« Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies, quoi qu’il en coûte ». Il ajoute que « beaucoup des changements [qui seront entrepris] seront gardés » car « nous apprenons aussi de cette crise » et « nous en tirerons toutes les leçons et en sortirons avec un système de santé encore plus fort » (MACRON, E., 2020).

 

·         Annonce du stade 3 de l’épidémie

 

Le samedi 14 mars, c’est au tour du Premier Ministre, Édouard Philippe, de prendre la parole. Il annonce que ce même jour à minuit, la France entre en « stade 3 » d'épidémie active sur le territoire.

 

Il reprend les recommandations émises par une immense majorité des scientifiques et introduit la « la distanciation sociale » comme meilleure façon de freiner la progression de l’épidémie.

 

Ce stade 3, qui s’inscrit dans le plan national de prévention et de lutte « pandémie grippale » (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, 2011) a pour objectif de ralentir la diffusion sur le territoire et réduire les risques de tension sur le système hospitalier pour la prise en charge des formes les plus graves.

 

Il annonce donc la fermeture de tous les lieux de regroupements non indispensables (cafés, restaurants, cinémas, discothèques, commerces non indispensables, etc.) et appelle les Français à diminuer leurs déplacements, et en particulier à éviter les déplacements interurbains.

Il demande que chacun montre « plus de discipline dans l’application des mesures » et d’éviter de « se rassembler et n’utiliser les transports en commun que pour aller au travail et seulement si votre présence physique au travail est indispensable, ne sortir de chez soi que pour faire ses courses essentielles, faire un peu d’exercice ou voter » (PHILIPPE E., 2020).

 

·         Instauration de mesures de confinement

 

Le lundi 16 mars 2020, Emmanuel Macron, Président de la République Française, prend à nouveau la parole. Il rappelle les consignes antérieurement délivrées, mais précisent qu’elles ne sont pas suffisamment respectées.

 

Il annonce la suspension de toutes les réformes en cours afin que « toute l'action du Gouvernement et du Parlement doive être désormais tournée vers le combat contre l'épidémie. De jour comme de nuit, rien ne doit nous en divertir ».

 

Il annonce « qu’un projet de loi permettant au gouvernement de répondre à l’urgence et, lorsque nécessaire, de légiférer par ordonnances dans les domaines relevant strictement de la gestion de crise […] sera soumis au Parlement dès jeudi ».


Il évoque à plusieurs reprises : « Nous sommes en guerre ».

 

Il annonce la mise en place d’un dispositif de confinement sur l’ensemble du territoire à compter du mardi 17 mars à 12h00, pour quinze jours minimums. Les déplacements sont interdits sauf dans certains cas bien précis (MACRON, E., 2020).

 

L’impact de ces mesures exceptionnelles est difficile à chiffrer. « Les modèles suggèrent que cela peut être suffisant pour endiguer la première vague de l’épidémie, mais cela dépend beaucoup du comportement des gens et de la façon dont ils vont appliquer ces consignes », souligne Simon Cauchemez, chercheur épidémiologiste à l’Institut Pasteur en rappelant que, « dans un État qui n’est pas totalitaire, il s’agit d’une question d’éthique personnelle »« Cela peut faire mentir le modèle dans un sens ou dans l’autre », a-t-il insisté, appelant chacun à participer à cet « énorme effort » (CHAPUIS E., 2020).

« Tous ceux qui combattent la maladie supplient l’ensemble des Français d’appliquer les mesures annoncées » : Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP (HECKETSWEILER C. ; PIETRALUNGA C., 202).

 

 

 

·         Etat d’urgence sanitaire

 

L’état d’urgence sanitaire est voté par le Parlement le 22 mars 2020.

 

     

L’état d’urgence sanitaire
(
Direction de l’information légale et administrative, 2020)

 

L'état d'urgence sanitaire est une mesure exceptionnelle pouvant être décidée en conseil des ministres en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie, mettant en péril la santé de la population.

L'état d'urgence est déclaré la première fois par décret en conseil des ministres sur le rapport du ministre chargé de la santé pour une durée maximale d'un mois. Le décret détermine la ou les circonscriptions territoriales dans lesquelles il s'applique. Les données sanitaires sur lesquelles s'appuie le décret sont rendues publiques

 

Au-delà d'un mois, sa prorogation doit être autorisée par la loi. La loi de prorogation fixe la durée de l'état d'urgence sanitaire. Un décret pris en conseil des ministres peut mettre fin à l'état d'urgence sanitaire avant l'expiration du délai fixé par la loi.

Les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire prennent fin dès qu'il est mis fin à l'état d'urgence sanitaire.

Le texte voté par le Parlement le 22 mars 2020 prévoit que l'état d'urgence entre en vigueur pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national à compter de la publication de la loi. La loi a été publiée le 24 mars 2020.

 

La déclaration de l'état d'urgence sanitaire autorise le Premier Ministre à prendre par décret :

 

- des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion (y compris des mesures d'interdiction de déplacement hors du domicile).

- des mesures de réquisitions de tous biens et services nécessaires pour mettre fin à la catastrophe sanitaire.

- des mesures temporaires de contrôle des prix.

Le ministre en charge de la santé a le pouvoir de prescrire par arrêté motivé toutes les autres mesures qui s'inscrivent dans le cadre défini par le Premier Ministre.

 

 

 

·         Le plan blanc maximal (BOURQUIN S., 2020)

 

Le 13 Mars 2020, le gouvernement français a lancé, pour la première fois, un plan blanc maximal par anticipation afin de faire face à la pandémie COVID-19. Ce dispositif passe par le déclenchement des plans blancs et des plans bleus, la mobilisation de tous les services régaliens de l’état, l’appel au civisme de tous par le confinement de l’ensemble de la population française afin de ralentir la propagation du virus. Ce plan blanc maximal par anticipation est coordonné par le ministre de la santé, Monsieur Olivier VERAN qui a dit ceci :

J’ai pris la décision de « déclencher le plan blanc maximal » et de « libérer les ressources, les plateaux techniques et les personnels compétents ». « Je laisse de la place en réanimation, même si nous n'en avons pas besoin aujourd'hui, pour que ces places soient prêtes (...) dans 3, 4, 5 jours ». « D'habitude, on active ce genre de plan quand on est face à la détresse. Je l'active par anticipation partout, y compris là où le virus ne circule pas encore, pour (...) que nous ne soyons pas pris à la gorge ».

Les dispositifs appelés plans blancs existent depuis 2004. Ils permettent aux directeurs des hôpitaux de répondre à une situation de crise sanitaire épisodique, et souvent saisonnière, telle que les épidémies de bronchiolite en hiver. Le plan blanc peut être également déclenché par un préfet.

Les plans bleus sont le pendant des plans blancs pour les EHPAD. Ils permettent aux directeurs des EHPAD de répondre à des situations de crise sanitaire telle qu’une épidémie de gastroentérite ou de grippe dans leur établissement.

Dans les deux cas, les directeurs doivent communiquer leur décision à leur ARS, qui si besoin, les aidera à répondre à leurs besoins en personnel ou matériel. L’ARS transmet les données recueillies au préfet et au ministère de la santé. Chaque établissement doit être doté d’une cellule de crise.

Les plans blancs ou bleus, élaborés par les directeurs d’établissements, doivent pouvoir être déclenchés à n’importe quel moment.

Ils doivent permettre de mobiliser immédiatement les moyens de toute nature dont dispose l’établissement pour gérer l’afflux de patients, leur prodiguer les soins et l’accès au nombre de lits d’hospitalisation nécessaires et de garantir leur sécurité. Ils recensent les moyens, en particulier les modalités selon lesquelles le personnel nécessaire peut-être maintenu sur place ou, le cas échéant, rappelé lorsque la situation le justifie.

Le plan blanc concerne donc aussi la gestion du nombre de places hospitalières. Des sorties anticipées sont organisées, les blocs chirurgicaux non urgents sont reportés. Dans le cas du COVID-19, l’objectif est de libérer le maximum de lits afin de recevoir les malades qui n’ont pas besoin de réanimation dans les services quels qu’ils soient.

Le plan blanc maximal par anticipation COVID-19, regroupe les plans blancs et bleus, et intègre les orientations du schéma ORSAN (organisation de la réponse du ystème de santé en situations sanitaires exceptionnelles). ORSAN a été établi en 2014, afin d’optimiser la réponse sanitaire à l’échelle régionale, en réponse à une crise majeure.

Pour établir ce schéma il faut la concertation entre les directeurs d’hôpitaux et cliniques, le préfet, la direction de l’ARS, les pompiers, les gendarmes, les représentants de la médecine de ville, etc.

Lorsque le plan blanc maximal par anticipation a été déclenché, les plans blancs avaient déjà été déclenchés dans les régions impactées par COVID-19, telles que le département de l’Essonne ou la région Grand Est. L’ensemble de l’activité chirurgicale non urgente a été déprogrammée par anticipation sur l’ensemble du pays pour pouvoir libérer des lits afin d’accueillir les malades du COVID-19. Une chaine de soins a été établie avec le transfert de patients de régions les plus impactées vers des régions moins impactées. Les services régaliens de l’état ont été mis à contribution : transports sanitaires assurés par l’armée, installation d’un hôpital de campagne par l’armée. D’autres ressources ont été mobilisées, comme le transport de patients par un train sanitaire de la SNCF.

Parallèlement, une  réserve sanitaire a été constituée. Elle est composée de professionnels de santé volontaires de tout ordre, qui peuvent être en activité, à la retraite depuis moins de cinq ans ou en cours de formation.

Ce déclenchement unique par son ampleur, répété à l’échelle mondiale simultanément par des dizaines de pays, aura un coût financier et psychologique important qu’il s’agira d’évaluer à distance. Aux frais engagés par le plan blanc maximal, vont s’ajouter les frais liés au maintien en confinement d’une population entière.

Il conviendra de mesurer l’impact psychologique sur les catégories professionnelles mises en avant pendant le confinement (acteurs du secteur alimentaire, police, etc.), et en particulier sur les soignants ayant participé à ce plan blanc maximal, mais aussi sur la santé psychologique de la population en général.

 

5.    Caractéristiques du virus et épidémiologie

 

·         Analyse du virus

Le virus semblerait provenir d’un animal (zoonose) de la Province du Hubei en Chine. Selon l’OMS, les zoonoses sont « un groupe de maladies infectieuses qui se transmettent naturellement de l’animal à l’homme. Le plus grand risque de transmission se situe à l’interface entre l’homme et l’animal par une exposition directe ou indirecte à l’animal, les produits qui en sont issus et/ ou son environnement ».

Ce virus est identifié en janvier 2020 nommé SARS-CoV-2.

Les recommandations d’experts portant sur la prise en charge en réanimation des patients en période d’épidémie, au 15 mars, précisent : « Les coronavirus sont une grande famille de virus qui provoquent des maladies allant d’un simple rhume à des pathologies plus sévères comme le MERS-COV (Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen Orient) ou le SRAS (Syndrome respiratoire aigüe sévère) ».  (COLLECTIF, 09/03/2020).

La maladie provoquée par ce coronavirus est nommée COVID-19 par l’Organisation Mondiale de la Santé.

Selon l’Institut Pasteur de Lille : « les coronavirus sont de grands virus à ARN à brin positif appartenant à la famille des Coronaviridae. Ils englobent plus de 25 espèces infectant les humains et un large éventail d’espèces animales. Les coronavirus humains sont responsables de nombreux cas de rhume banal saisonnier, dont l’impact économique et social est probablement sous-estimé. De plus, les coronavirus humains sont généralement associés à des maladies bénignes qui peuvent provoquer de graves infections des voies respiratoires dans les populations fragiles (nouveau-nés, personnes âgées et personnes immunodéprimées). Les coronavirus animaux, souvent très infectieux, sont principalement responsables des maladies entériques et respiratoires du bétail et des animaux domestiques. Leurs taux de mortalité élevés entraînent une charge économique mondiale importante. Mais jusqu’en 2003, les coronavirus n’étaient pas considérés comme une menace majeure pour la santé humaine. La situation a changé depuis lors, avec deux coronavirus hautement pathogènes : le SRAS-CoV et le MERS-CoV... L’identification récente d’autres coronavirus chez les chauves-souris suggère que d’autres virus de cette famille pourraient également émerger en tant que nouveaux agents pathogènes humains. En l’absence de traitement spécifique, il est essentiel de mieux comprendre comment ces virus exploitent la machinerie cellulaire pour leur propagation ».

La pandémie (épidémie mondiale) est déclarée par l’OMS le 11 mars 2020.

·         Mode de transmission

Ce virus se transmet entre individus par gouttelettes c’est-à-dire par projection de postillons au niveau des muqueuses nasales, buccales et des conjonctives lors d’éternuements, de toux ou lors de discussion rapprochées. La transmission peut se faire également de façon manuportée via des surfaces ayant été en contact avec une personne malade. Elle peut donc se faire de manière directe, ou indirecte. Les coronavirus survivent jusqu’à 3 heures sur des surfaces inertes sèches et jusqu’à 6 jours en milieu humide. Le virus semble pouvoir également être excrété au niveau des selles, voire d’autres liquides biologiques (les urines ne semblent pas être un liquide biologique à risque).

Le délai d’incubation (période entre la contamination et l’apparition des symptômes) est de 3 à 5 jours mais peut s’étendre jusqu’à 14 jours. Lors de ce temps d’incubation le sujet est contagieux mais sans symptôme.

·         Les symptômes :

-          Des signes précoces de type syndromes pseudo-grippaux ont été rapportés (myalgies et asthénie)

-          Fièvre ou sensation de fièvre (60 % des patients sont apyrétiques lors de la prise en charge initiale)

-          Toux

-          Confusion

-          Céphalées

-          Maux de gorge

-          Rhinorrhées

-          Diarrhée

-          Agueusie brutale (perte de goût)

-          Anosmie (Disparition de l’odorat) sans obstruction nasale

-          Dyspnées (difficultés respiratoires) dans les formes les plus graves

-          Détresse respiratoire

Des complications de type dyspnée au 8ème jour, et détresse respiratoire au 9ème jour, ont été rapportées selon le rapport du Haut conseil en santé publique. Entre J5 et J8 des concentrations plasmatiques importantes chez des patients en réanimation ont été rapportées.

Les patients avec des maladies chroniques préexistantes, mais aussi les personnes âgées, sont plus à risque de développer une forme sévère.

Selon l’INSERM, dans un article publié le 23 mars 2020, « les données internationales montrent que 20% des cas sont des formes graves qui nécessitent une hospitalisation ».

Il y aurait peu d’enfants touchés ; les formes graves toucheraient principalement les patients âgés et avec comorbidités. Dans les formes les plus sévères, la maladie peut entrainer le décès.

·         Quelques chiffres de Point Santé publique France du 26 mars 2020 (Santé publique France, 2020)

467 710 cas confirmés dans le monde dont 81 968 cas en Chine et 385 742 hors de Chine et 20 947 décès dont 3 293 en Chine et 17 654 Hors de Chine.

232 470 cas confirmés en Europe dont 74386 en Italie et 13 692 décès en Europe dont 7 505 en Italie.

 

29 155 cas confirmés en France et 1 696 décès.

-          Disparité régionale :  certains départements sont particulièrement touchés

-          Forte augmentation du nombre de cas graves admis en réanimation et de décès : 68% des cas avec comorbidités et 62% des cas de 65 ans ou plus

-          Décès : 57% des cas avec comorbidité et 93% des cas de 65 ans ou plus

-          Augmentation significative des décès toutes causes chez les plus de 65 ans dans les départements : Haut-Rhin, Oise, Vosges et Alpes-de-Haute-Provence

Estimation du nombre de cas de COVID-19 ayant consulté un médecin généraliste : 41 836 les régions Grand Est, Ile de France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts de France

-          Part de suspicion COVID-19 parmi les visites SOS Médecins 15%

-          Nombre de passage aux urgences pour COVID-19 : 15 956

-          Taux de positivité des prélèvements (laboratoires hospitaliers) : 22%

-          Nombre de décès à l’hôpital : 672

-          Nombre de cas confirmés COVID-19 selon la classe d’âge rapportés à Santé publique France (source GoData) selon la classe d’âge :

 

®     Moins de 15 ans : 167 (1,3%)

®     15-44 ans : 3 882 (30,6%)

®     45-64 ans : 4 204 (33,1%)

®     65-74 ans : 1 778 (14%)

®     75 ans et plus : 2 675 (21,1%)

Toutes ces données sont sous-estimées car beaucoup de personnes ne sont pas testées depuis le passage en stade 3 du 13 mars. En effet, « les patients présentant des signes de COVID-19 ne sont plus systématiquement classés et confirmés par des test biologiques ». Le nombre de cas réels est donc impossible à connaître à l’heure actuelle.

Pour pouvoir identifier les cas, Santé Publique France a publié les critères suivants (mise à jour le 13 mars 2020) :

·         Les cas possibles :

Toute personne présentant des signes cliniques d’infection respiratoire aigüe, avec une fièvre ou une sensation de fièvre, et ayant voyagé ou séjourné dans une zone d’exposition à risque dans les 14 jours précédant la date du début des signes cliniques (pays ou départements français pour lesquels une transmission communautaire diffuse du SARS-CoV-2 est décrite). Au 26 mars, les régions recensées par Santé Publique France sont les régions Grand Est, Ile de France, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts de France.

 

Toute personne, même sans notion de voyage/séjour dans une zone d’exposition à risque ou de contact étroit avec un cas confirmé de COVID-19 présentant : une pneumopathie pour laquelle une autre étiologie a été préalablement exclue sur la base de critères cliniques, radiologiques et/ou virologiques et dont l’état clinique nécessite une hospitalisation, OU des signes de détresse respiratoire aigüe pouvant aller jusqu’au SRAS.

 

·         Les cas probables :

Toute personne présentant des signes cliniques d’infection respiratoires aigüe dans les 14 jours suivant un contact étroit avec un cas confirmé de COVID-19.

·         Cas confirmés :

Toute personne symptomatique ou non avec un prélèvement confirmant l’infection par le SARS-CoV-2.

 

6.    Les mesures de prévention

Les messages de prévention à adopter pour se protéger du Coronavirus ont été développés par Santé Publique France et le Ministère des solidarités et de la santé. Ces mesures se sont appuyées sur une veille scientifique, et sur l’expérience des autres pays touchés. Ils ont été publiés dès fin février afin de protéger la population. Le site Santé Publique France émet les recommandations suivantes :

·         Au niveau de la population :

-          Distance interhumaine à respecter de minimum 1 mètre

-          Se laver les mains très régulièrement

-          Tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir jetable

-          Eviter de se toucher le visage

-          Ne pas serrer les mains pour se saluer et arrêter les embrassades

-          Rester chez soi durant le confinement

-          Tous les rassemblements et les contacts sont interdits

-          Tous les déplacements sont interdits sauf muni d’une attestation pour aller travailler si le télétravail est impossible, faire des courses de première nécessité, garder les enfants ou aider des personnes vulnérables, aller chez un professionnel de santé s’il n’y a pas de signe de la maladie

-          En cas de premiers signes de la maladie (toux, fièvre, en général la maladie guérit en quelques jours avec du repos). Mais après quelques jours si le patient a du mal à respirer et est essoufflé : appeler le 15 ou le 114 (sourds et malentendants)

 

·         Pour les médecins généralistes au contact des patients présentant des signes de la maladie :

-          Regrouper les consultations de patients suspects de COVID-19 sur une même plage horaire

-          Porter un masque lors de la consultation et ne pas réaliser d’examen ORL

-          Si le patient présente des signes de gravité appel du SAMU, faire le 15

 

·         Les tests de dépistage (Ministère des Solidarités et de la santé, 2020)

Il existe deux types de tests :

-          Un prélèvement systématique des voies respiratoires hautes (naso- pharyngé par écouvillon Virocult, ou aspiration)

-          Un prélèvement des voies respiratoires basses (crachats, lavage bronchique alvéolaire), pour réaliser un antibiogramme en cas d’atteintes parenchymateuses

 « Les tests peuvent être faits à l’hôpital pour les patients à l’hôpital ou présentant des signes de gravité. Les tests peuvent être faits dans les laboratoires de ville sur prescription médicale ou à domicile pour les patients répondeurs aux critères de dépistage suivants :

-          Personnes présentant des signes de gravité et des symptômes évocateurs de COVID-19

-          Professionnels de santé présentant des symptômes évocateurs de COVID-19

-          Personnes fragiles ou à risque présentant des symptômes évocateurs du COVID-19

-          3 premières personnes présentant des symptômes évocateurs du COVID-19 dans des structures collectives hébergeant des personnes fragiles pour prendre des mesures immédiates afin d’éviter une transmission entre les résidents

-          Personnes hospitalisées présentant des symptômes évocateurs de COVID-19

-          Femmes enceintes symptomatiques quel que soit le terme de la grossesse

-          Les donneurs d’organes, tissus ou cellules souches hématopoïétiques

Les personnes présentant des signes évocateurs de COVID-19 ne sont pas systématiquement diagnostiquées. Elles doivent être isolées durant 14 jours de manière stricte avec un arrêt de travail, sur libre appréciation médicale. Le traitement est symptomatique, accompagné de conseils d’hygiène et de surveillance. Les AINS et corticoïdes sont proscrits.

 Les conseils donnés sont :

 

-            Autosurveillance simple des symptômes sans programmation ultérieure de consultation

-          Un suivi médical (téléconsultation à privilégier entre J6 et J8) pour surveillance

-          Un suivi renforcé à domicile par IDE pour les sujets à risque ne pouvant assumer une auto-surveillance

-          Une HAD pour surveillance renforcée chez patients > 70 ans avec risque de complication ou complexité psychosociale

L’ensemble du foyer vivant avec un cas COVID-19 doit être également isolé strictement à domicile, prendre 2 fois leur température par jour et auto surveiller les symptômes. Les professionnels de santé symptomatiques et confirmés COVID-19 ont les mêmes recommandations que la population générale.

·         Les critères de levée de l’isolement strict

Cas général :

Au moins 8 jours à partir du début des symptômes et disparition de la fièvre vérifiée par une température rectale inférieure à 37,8°C (mesurée avec un thermomètre 2 fois par jour et en l’absence de prise d’antipyrétique dans les 12 heures précédentes) ET au moins 48 heures après la disparition d’une éventuelle dyspnée (la Fréquence Respiratoire doit être inférieure à 22/min au repos).

 

Pour les personnes immunodéprimées :

Au moins 10 jours à partir du début des symptômes et critères identiques à ceux de la population générale. Port d’un masque chirurgical de type II pendant 14 jours suivant la levée du confinement lors de la reprise des activités professionnelles.

 

Pour les professionnels de santé :

-          Personnel non-sujet à risque : au moins 8 jours à partir du début des symptômes et critères identiques à la population générale. Port d’un masque chirurgical de type II pendant les 7 jours suivant la levée du confinement lors de la reprise des activités professionnelles

-          Personnel sujet à risque : au moins 10 jours à partir du début des symptômes et critères identiques à ceux de la population générale. Port d’un masque chirurgical de type II pendant les 7 jours (14 jours pour les sujets immunodéprimés) suivant la levée du confinement lors de la reprise des activités professionnelles

-          Personnel avec forme grave du COVID-19 : au cas par cas, en lien avec le médecin du service de la santé au travail

-          Les professionnels de santé asymptomatiques mais contacts d’un cas COVID-19 en l’absence de mesures de protection appropriées doivent auto-surveiller leurs symptômes, appliquer les gestes barrières, et porter un masque sur leur lieu de travail et avec les malades pendant 14 jours suivant le contact à risque

 

Pour l’isolement :

Afin de ne pas contaminer les autres membres du foyer, il est conseillé de rester dans une pièce spécifique, en évitant les contacts avec les autres occupants du domicile, d’aérer régulièrement. Si possible, une salle de bain et des toilettes spécifiques sont à privilégier, sinon il faut nettoyer avec de l’eau de javel ou produits désinfectants. Il est recommandé de se laver les mains fréquemment de ne pas toucher d’objets communs et de laver quotidiennement les surfaces fréquemment touchées (poignées, téléphone mobile, etc.). Il est déconseillé de recevoir des visites sauf indispensables, comme les aidants à domicile. Enfin les livraisons sont possibles, en laissant le colis sur le palier.

 

Pour l’habillage des professionnels de santé :

Plusieurs documents à visée pédagogique sont diffusés par solidarité-sante.gouv.fr, notamment un kit pédagogique pour les professionnels de santé, composé de vidéos en lien avec l’habillage et le déshabillage, dans le cadre des mesures de protection, dans les services de réanimation et les services COVID-19. De nombreux tutoriels ont également été mis à disposition sur des sites Web accessibles au large public tels que Youtube.

 

 

 

 

 

 

 

II.            Questionnements Éthiques

 

1.    Informations

 

Il appartient à l’État de garantir la sécurité nationale en cas de pandémie. L’organisation d’une information est un devoir de l’Etat qui répond à une exigence éthique et démocratique. Elle est aussi une condition essentielle en termes d’efficacité ou d’efficience, pour une stratégie d’intervention en santé publique. L’information porte ainsi sur la nature du phénomène de santé publique, l’étendue du phénomène de santé publique, le contexte, les mesures mises en œuvre et qui devront être appliquées, le suivi de la pandémie et enfin l’évaluation des conséquences.

 

Les modes de transmissions de l’information nationale sont variés : médias, message publicitaires, internet, réseaux sociaux, voie d’affichage, etc. Ils peuvent être audio-visuels, oraux, écrits. L’information doit être claire, sans équivoque, fiable, précise et accessible à tous.

 

Beaucoup d’informations circulent depuis la révélation de l’épidémie à Coronavirus. Les sources d’informations non officielles sont nombreuses. La maitrise de la diffusion de fausses informations notamment liée aux réseaux sociaux est complexe. Il peut alors y circuler des données erronées susceptibles d’engendrer des risques en termes de santé publique.

 

2.    Virus et place de l’Homme

 

·         Une punition en retour de l’hubris humaine

La lecture du Mythe de Prométhée nous permet de mieux comprendre l’idée largement diffusée sur les réseaux sociaux d’un virus lié à la démesure humaine. Platon écrit le dialogue socratique relatif au mythe de Prométhée. Protagoras est un sophiste. Il s’entretient avec Socrate à propos de la question de la vertu. Socrate pense que la vertu ne peut pas s’enseigner. A cette occasion, Protagoras tente de s’appuyer sur la mythologie antique, et fait le récit du mythe de Prométhée.

Il y a dans ce récit deux titans, Epiméthée et Prométhée, qui sont frères. Epiméthée signifie étymologiquement « celui qui pense après, l’imprévoyant ». Prométhée signifie « celui qui pense avant, le prévoyant ».

 

 

Le mythe de Prométhée

                                                    Platon, Protagoras.

(Extraits)

 

« C'était au temps où les Dieux existaient, mais où n'existaient pas les races mortelles. […] [Les Dieux] prescrivirent à Prométhée et à Epiméthée (celui qui pense après) de les doter de qualités, en distribuant ces qualités à chacune de la façon convenable. Mais Epiméthée demande alors à Prométhée de lui laisser faire tout seul cette distribution : "Une fois la distribution faite par moi, dit-il, à toi de contrôler ! ». Là -dessus, ayant convaincu l'autre, le distributeur se met à l’œuvre. En distribuant les qualités, il donnait à certaines races la force sans la vélocité (rapidité) ; d'autres, étant plus faibles étaient par lui dotées de vélocité ; il armait les unes, et, pour celles auxquelles il donnait une nature désarmée, il imaginait en vue de leur sauvegarde quelque autre qualité. Aux races, en effet, qu'il habillait en petite taille, c'était une fuite ailée ou un habitat souterrain qu'il distribuait, celles dont il avait grandi la taille, c'était par cela même aussi qu'il les sauvegardait. De même, en tout, la distribution consistait de sa part à égaliser les chances, et, dans tout ce qu'il imaginait, il prenait ses précautions pour éviter qu'aucune race ne s’éteigne.

Mais, une fois qu'il leur eut donné le moyen d'échapper à de mutuelles destructions, voilà qu'il imaginait pour elles une défense commode à l'égard des variations de température qui viennent de Zeus : il les habillait d'une épaisse fourrure aussi bien que de solides carapaces, propres à les protéger contre le froid, mais capables d'en faire autant contre les brûlantes chaleurs ; sans compter que, quand ils iraient se coucher, cela constituerait aussi une couverture, qui pour chacun serait la sienne et qui ferait naturellement partie de lui-même ; il chaussait telle race de sabots de corne, telle autre de griffes solides et dépourvues de sang.

En suite de quoi, ce sont les aliments qu'il leur procurait, différents pour les différentes races pour certaines l'herbe qui pousse de la terre, pour d'autres, les fruits des arbres, pour d'autres, des racines ; il y en a auxquelles il a accordé que leur aliment fût la chair des autres animaux, et il leur attribua une fécondité restreinte (les lions), tandis qu'il attribuait une abondante fécondité à celles qui se dépeuplaient ainsi (les souris), et que, par-là , il assurait une sauvegarde à leur espèce.

Mais, comme (chacun sait cela) Epiméthée n'était pas extrêmement avisé, il ne se rendit pas compte que, après avoir ainsi gaspillé le trésor des qualités au profit des êtres privés de raison, il lui restait encore la race humaine qui n'était point dotée ; et il était embarrassé de savoir qu'en faire. Or, tandis qu'il est dans cet embarras, arrive Prométhée pour contrôler la distribution ; il voit les autres animaux convenablement pourvus sous tous les rapports, tandis que l'homme est tout nu, pas chaussé, dénué de couvertures, désarmé […]

Alors Prométhée, en proie à l'embarras de savoir quel moyen il trouverait pour sauvegarder l'homme, dérobe à Héphaïstos le feu et à Athéna le génie créateur des arts (car, sans le feu, il n'y aurait moyen pour personne d'acquérir ce génie ou de l'utiliser) ; et c'est en procédant ainsi qu'il fait à l'homme son cadeau. Voilà donc comment l'homme acquit l'intelligence qui s'applique aux besoins de la vie.

Mais l'art d'administrer les Cités, il ne le posséda pas ! Cet art en effet était chez Zeus. Mais il n'était plus possible alors à Prométhée de pénétrer dans l'acropole qui était l'habitation de Zeus, sans parler des redoutables gardes du corps que possédait Zeus. En revanche, il pénètre subrepticement dans l'atelier qui était commun à Athéna et à Héphaïstos et où tous deux pratiquaient leur art, et, après avoir dérobé l'art de se servir du feu, qui est celui d'Héphaïstos, et le reste des arts, ce qui est le domaine d'Athéna, il en fait présent à l'homme. Et c'est de là que résultent, pour l'espèce humaine, les commodités de la vie, mais, ultérieurement, pour Prométhée, une poursuite, comme on dit, du chef de vol, à l'instigation d'Epiméthée !

Or, puisque l'homme a eu sa part du lot Divin, il fut, en premier lieu le seul des animaux à croire à des Dieux ; il se mettait à élever des autels et des images de Dieux. Ensuite, il eut vite fait d'articuler artistement les sons de la voix et les parties du discours. Les habitations, les vêtements, les chaussures, les couvertures, les aliments tirés de la terre, furent, après cela, ses inventions.

Une fois donc qu'ils eurent été équipés de la sorte, les hommes, au début, vivaient dispersés: il n'y avait pas de cités ; ils étaient en conséquence détruits par les bêtes sauvages, du fait que, de toute manière, ils étaient plus faibles qu'elles ; et, si le travail de leurs arts était un secours suffisant pour assurer leur entretien, il ne leur donnait pas le moyen de faire la guerre aux animaux ; car ils ne possédaient pas encore l'art politique, dont l'art de la guerre est une partie.

Aussi cherchaient-ils à se grouper, et, en fondant des cités, à assurer leur salut. Mais, quand ils se furent groupés, ils commettaient des injustices les uns à l'égard des autres, précisément faute de posséder l'art d'administrer les cités ; si bien que, se répandant à nouveau de tous côtés, ils étaient anéantis.

Aussi Zeus de peur que notre espèce n'en vint à périr toute entière envoie Hermès apporter à l'humanité la Vergogne (la retenue) et la Justice pour constituer l'ordre des cités et les liens d'amitié qui rassemblent les hommes. Hermès demande alors à Zeus de quelle façon il doit faire don aux hommes de la Justice et de la Vergogne « dois-je répartir de la manière dont les arts l'ont été ? » leur répartition a été opérée comme suit : un seul homme qui possède l’art de la médecine suffit pour un grand nombre de profanes et il en est de même pour les autres partisans. Dois-je répartir ainsi la Justice et la Vergogne entre les hommes ? Ou dois-je les répartir entre tous ? Zeus répondit « répartis les entre tous et que tous y prennent part car il ne pourrait y avoir des cités si seul un petit nombre d'hommes y prenaient part comme c'est le cas pour les autres arts ; et instaure en mon nom la loi suivante : qu'on mettre à mort comme un fléau de la cité, l'homme qui se montre incapable de prendre part à la Vergogne et à la Justice. »

C’est ainsi, Socrate, et c’est pour ces raisons, que les Athéniens comme tous les autres hommes, lorsque la discussion porte sur l’excellence en matière d’architecture ou dans n’importe quel autre métier, ne reconnaissent qu’à peu de gens le droit de participer au conseil, et ne tolèrent pas, comme tu le dis, que quelqu’un tente d’y participer sans faire partie de ce petit nombre ; ce qui est tout à fait normal, comme je le dis, moi; lorsqu’en revanche, il s’agit de chercher conseil en matière d’excellence politique, chose qui exige toujours sagesse et justice, il est tout à fait normal qu’ils acceptent que tout homme prenne la parole, puisqu’il convient à chacun de prendre part à cette excellence - sinon, il n’y aurait pas de cités.»

 

 

Prométhée fait ainsi preuve d'hubris, c’est-à-dire de « démesure ». Zeus, en colère, fait forger par Héphaïstos une femme merveilleusement belle et dotée de tous les charmes, Pandore, qu'il envoie à Épiméthée, porteuse d'une boîte où toutes les calamités se trouvent enfermées. Malgré la mise en garde de Prométhée, Épiméthée accepte Pandore qui finit par ouvrir la boîte. Tous les maux qui affligent l'humanité se répandent sur la Terre.

Puis Zeus inflige un supplice à Prométhée. Héphaïstos l'enchaîne nu à un rocher dans les montagnes, où un aigle vient lui dévorer le foie chaque jour ; sa souffrance est éternelle, car chaque nuit son foie repousse.

 

Quels sont les enseignements de ce mythe ?

 

L’homme est donc, selon ce mythe antique une espèce naturelle, au même titre que les animaux. Cette espèce se distingue des autres à cause de l’imprévoyance d’Epiméthée qui en a fait un être vulnérable. Il lui manque des attributs innés qui lui permettent de survivre (fourrure, crocs, etc.)

Prométhée puis Hermès dérobent le feu puis le génie politique et moral ; l’homme se distingue des autres espèces, puisqu’il obtient des capacités qui étaient l’apanage des Dieux. Le feu est l’intelligence, qui servira à faire des outils. C’est l’intelligence technicienne. La vergogne (la retenue, la pudeur, le scrupule) et la justice sont des vertus morales.

L’homme acquiert ainsi un statut supérieur : ce mythe constitue un des fondements de l’humanisme occidental Il souligne l’infériorité première de l’homme, puis un retournement : l’homme acquiert la technique, peut donner naissance à un monde artificiel, et devient ainsi supérieur aux autres espèces.

Remarquons que la technique et la morale ne sont accessibles à l’homme que grâce à un vol, ce qui laisse envisager quelque chose d’illégitime, et une punition en retour. D’où l’idée fréquente d’une vengeance (des Dieux, de la Nature) en réponse à un usage illimité par l’homme de ces pouvoirs qui ne lui appartenaient pas. Faire reculer l’impuissance originelle revêt dès l’antiquité un caractère sacrilège. Cette précision permet de comprendre la vision de la technoscience comme « sacrilège », et la crainte d’une punition « divine » ou autre, à force de repousser les limites de la nature par la technique.

Ce mythe antique peut tout à fait expliquer certains discours qui présentent le Coronavirus comme une punition supérieure infligée à des hommes avides de puissance, de biens matériels et de progrès techniques, aux dépens des autres espèces et de la nature.


En réalité, il semblerait bien que le mode de vie des Hommes ait une influence sur l’émergence de nouveaux virus. Le biologiste et écologue Serge Morand rappelle que « plus la biodiversité d’un pays est en crise (...) et plus ce pays présente des événements d’épidémies, de maladies infectieuses liées aux animaux » (MORAND S., in THOMAS P, 2020).

En février 2020,  deux chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement, dans un article pour The Conversation disent :  ‘ « les activités humaines entraînent… d’importants bouleversements de la biodiversité. Ces perturbations se produisent dans un contexte de connectivité internationale… Il s’agit là des conditions optimales pour favoriser le passage à l’être humain de micro-organismes pathogènes provenant des animaux » (GARDETTE H., 2020).

 

En février 2020, Rodolphe Gozlan Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD), publie avec Soushieta Jagadesh  doctorante, une étude sur le risque épidémique lié à l’environnement. Selon ces chercheurs, « l’épidémie de coronavirus Covid-19 […] illustre bien la menace que représentent les maladies infectieuses émergentes, non seulement pour la santé humaine et animale, mais aussi pour la stabilité sociale, le commerce et l’économie mondiale. En effet, les activités humaines entraînent de profondes modifications de l’utilisation des terres ainsi que d’importants bouleversements de la biodiversité, en de nombreux endroits de la planète. Ces perturbations se produisent dans un contexte de connectivité internationale accrue par les déplacements humains et les échanges commerciaux, le tout sur fond de changement climatique. Il s’agit là des conditions optimales pour favoriser le passage à l’être humain de micro-organismes pathogènes provenant des animaux. Or, selon l’OMS, les maladies qui résultent de telles transmissions comptent parmi les plus dangereuses qui soient » (GOLZAN R., JAGADESH S., 2020).

L’OMS a établi en 2018 la liste « Blueprint des maladies prioritaires » considérées comme des urgences sur lesquelles doivent se concentrer les recherches. « Elles présentent en effet un risque de santé publique à grande échelle, en raison de leur potentiel épidémique et de l’absence ou du nombre limité de mesures de traitement et de contrôle actuellement disponibles ».

Toutes les infections de cette liste (Fièvre hémorragique de Crimée-Congo, virus Ebola, coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) et syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), Zika…) peuvent être classées comme des infections virales zoonotiques, c’est-à-dire des maladies infectieuses animales transmissibles à l’être humain » (GOLZAN R., JAGADESH S., 2020).

« Au plus simple, ces maladies incluent un seul hôte et un seul agent infectieux. Cependant, souvent plusieurs espèces sont impliquées, ce qui signifie que les changements de biodiversité ont le potentiel de modifier les risques d’exposition à ces maladies infectieuses liées aux animaux et aux plantes. On pourrait à ce titre penser que la biodiversité représente une menace puisqu’elle recèle de nombreux pathogènes potentiels, elle accroît le risque d’apparition de nouvelles maladies. Pourtant, curieusement, la biodiversité joue également un rôle protecteur vis-à-vis de l’émergence des agents infectieux. En effet, l’existence d’une grande diversité d’espèces hôtes peut limiter leur transmission, par un effet de dilution ou par effet tampon » (GOLZAN R., JAGADESH S., 2020).

La consommation excessive de viande entraine un élevage intensif avec des bêtes ayant des caractéristiques génétiques semblables, ce qui favorise les épidémies lorsqu’un virus s’y développe. La déforestation et la réaffectation des terres, produite afin de satisfaire la surconsommation humaine favorise la proximité d’organismes qui n’auraient jamais été mis en contact auparavant. Le mythe de Prométhée n’a finalement jamais été autant d’actualité…

·         Un moment inédit pour ressentir notre vulnérabilité ?

Vulnérable, nous le disons volontiers des malades. Marie Gaille définit la situation de vulnérabilité comme « le sentiment de ma propre fragilité, la perception aigüe de ma faiblesse, voire mon impuissance, et l’appréhension de la précarité de mon univers quotidien, tant affectif que matériel. C’est alors, bien souvent que je me sens vulnérable » (GAILLE in MARZANO, 2011).

Vulnérable, fragile, faible ?

« Ce qu’il y a finalement de commun aux expériences individuelles de la vulnérabilité est le sentiment éprouvé dans des circonstances diverses. Je me sens vulnérable : c’est-à-dire que je m’éprouve comme fragile, faible, impuissant, j’ai peur, je pense être sans défense, en danger, je suis aux aguets, ma sensibilité est à fleur de peau, je me méfie de tout et de tous et estime devoir faire constamment attention à mes faits et à mes paroles comme à ceux de mon entourage, je cherche protection et accompagnement, sûreté et soin, je me sens dépendant du bon vouloir d’autrui, de sa gentillesse. Se sentir vulnérable, c’est en ce sens être conscient qu’à tout moment on peut être blessé, atteint, abîmé et, par conséquent, être dans l’incertitude et sur le qui-vive. Si on devait résumer d’un mot cette expérience de vulnérabilité, on pourrait donc dire qu’elle réside dans le sentiment d’être exposé (à un danger, une intention malveillante, etc.) sans possibilité de se défendre ou de se protéger. 

Cette exposition nue à l’épreuve, du danger ou de la maladie par exemple, correspond à un sentiment très inconfortable et angoissant, qui ne parait doté d’aucune positivité. Cependant, dans cette négativité même, l’expérience occasionnelle de sa propre vulnérabilité recèle une possibilité importante. Souvent éprouvée de façon ponctuelle et inattendue, suite à un accident ou un évènement qui bouleverse le cours de la vie, elle peut tout d’abord rendre attentif aux différentes dimensions de cette vulnérabilité et à son caractère continu, que peuvent éprouver quotidiennement les malades chroniques, les vieillards, les mourants, les personnes déficientes » (GAILLE, in MARZANO, 2011).

 

La philosophe Corine Pelluchon souligne à son tour comme cette crise « nous rappelle, en premier lieu, la profonde vulnérabilité humaine dans un monde qui a tout fait pour l’oublier. Nos modes de vie et tout notre système économique sont fondés sur une forme de démesure, de toute puissance, consécutive de l’oubli de notre corporéité. […] Nous qui nous pensions définis surtout par notre volonté et nos choix, nous sommes arrêtés par cette passivité essentielle, par notre vulnérabilité (de vulnus, qui signifie « blessure » en latin), c’est-à-dire par l’altération possible du corps, par son exposition aux maladies et son besoin de soin et des autres » (in LEGROS C., 2020)

 

 

Cette crise serait-elle alors un moment inédit pour interroger notre mode de vie contemporain ?

Le sociologue Zygmunt Bauman qualifie notre époque de « modernité liquide ». La métaphore liquide s’explique par l’incapacité du liquide à résister à la moindre pression, si minime soit-elle, du fait de la faiblesse des liens entre les particules. C’est ainsi que Bauman décrit une société trop individualiste, dont l’environnement est caractérisé par une incertitude et des changements constants. Les hommes doivent ainsi choisir au nom d’une autonomie souveraine des solutions individuelles à des problèmes collectifs : quel cosmétique utiliser pour se protéger d’un air pollué, comment apprendre à bien se vendre sur le plan professionnel dans un marché du travail incertain et marqué par la flexibilité, etc. Or, Bauman souligne à la suite de Bourdieu que les réponses aux problèmes sociaux doivent être collectives. Il convient de retrouver du lien, dans une époque marquée par l’adaptation où chacun tente de montrer qu’il est partout chez lui, alors qu’en fait il vit dans un no man’s land. Bauman déclare, en interview, une phrase à méditer en ces temps de crise : « il revient aux habitants des villes d’apprendre à vivre au milieu de la différence et d’affronter autant les menaces que les chances qu’elle représente » (BAUMAN Z., 2005).

 

 

3.    Tous concernés ?

 

Les mécanismes empathiques envers des personnes malades nécessitent d’entrevoir sa propre existence sous la forme de l’incomplétude, l’interdépendance, et pas la maitrise absolue, la puissance du corps. Il est bien plus facile d’imaginer que l’on puisse être infecté par le Coronavirus si on l’a expérimenté dans son entourage affectif ou pour soi-même, en son propre corps, l’expérience d’une maladie grave, et qui plus est, sans doute une maladie respiratoire.

L’empathie ne va pas de soi, elle est en fait ego-centrée : on se met à la place de la personne, mais en gardant notre référence : pour un entendant, la situation de surdité est difficile à comprendre, elle est toujours ramenée au manque, à la perte, à l’angoisse du silence imposé…

 

Les limites des capacités empathiques expliquent peut-être le fait que les européens ne se sont pas sentis concernés de façon précoce par ce qui semblait s’annoncer très vite comme une pandémie. Les représentations mentales communes que les citoyens peuvent avoir de la Chine sont peut-être celle d’un pays radicalement différent dans son mode de vie et de pensée, et très éloigné géographiquement. La crise qui les touchait alors ne venait faire aucun écho chez les français : une crise étrangère chez un peuple totalement différent, et éloigné. Conclusion : cette crise ne nous concerne pas…

Il existe heureusement des moyens pour développer l’empathie.

M-C Cagnolo, Docteur en Philosophie, à propos des situations de handicap, écrit qu’il existe deux procédés pour favoriser le développement des capacités empathiques : la simulation et la théorisation.

 

 

 

 

·         L’empathie par simulation

La simulation repose sur les capacités imaginatives des individus :

« L’empathie par simulation consiste à utiliser l’imagination pour prévoir et comprendre les réactions d’autrui. Par un effort d’imagination, je me transporte moi-même dans la situation de l’autre. Je ne me mets pas dans la peau de l’autre étant donné que je ne fais pas abstraction de ma propre subjectivité et de mes états mentaux. En revanche, par un effort d’imagination, je peux comprendre la cause des émotions d’autrui ». (CAGNOLO M-C, 2009)

L’empathie par simulation connaît des limites. Comment en effet imaginer des situations inédites ? Comment comprendre, alors que l’on ne l’a jamais vécu, dans quelles dispositions psychiques sont les individus qui ont vu un virus se répandre à grande vitesse dans leur environnement proche ? Comment savoir ce que l’on peut éprouver au cours d’un confinement de plusieurs semaines ? Comment mesurer, enfin, ce que vivent les personnels mobilisés directement au contact des personnes infectées par le COVID-19, et leur désarroi lorsqu’ils rentrent chez eux, craintifs de contaminer leur entourage ?

·         L’empathie par théorisation

C’est là que l’empathie par théorisation peut alors permettre de davantage sensibiliser les citoyens face à cette crise.

« La stratégie visant à favoriser l’empathie s’inscrit ici dans une dimension d’ordre épistémologique. Il est possible de comprendre les états mentaux d’autrui, par-delà ses différences par le biais de connaissances acquises. […] Concernant l’activation des moteurs empathiques par théorisation, elle peut être initiée, à grande échelle de diverses façons : rappeler les valeurs sur lesquelles repose l’institution, à savoir « Liberté, Egalité, Fraternité » ; Passer par la contrainte de la loi. […] Enfin, choisir des concepts opératoires susceptibles d’aiguiser l’unification sociale (comme le concept de « solidarité » par exemple) » (CAGNOLO M-C, 2009)

·         Communications nationales : pour une empathie par théorisation

Le développement des capacités empathiques à grande échelle, dans le cadre de cette crise, est devenu une affaire d’Etat. Les communications officielles ont pour but de favoriser une prise de conscience de tous, et permettre ainsi de favoriser l’observance des mesures nationales. Les annonces du Président de la république déclarant que « nous sommes en guerre » ont sans doute pour but de développer le sentiment d’une solidarité nationale. Les émissions qui donnent la parole aux soignants, les annonces officielles de personnalités publiques qui revendiquent leur contamination ont comme effet de permettre à chacun de se sentir davantage concerné. Ainsi, plus le citoyen constatera que les cas de COVID-19 atteignent son entourage de plus en plus restreint, plus il sera capable de ressentir de l’empathie envers ses prochains.

Le revers de la médaille, est sans doute, en parallèle, la transmission des peurs au sein de la population. Le virus a été présenté dans un premier temps comme touchant davantage les personnes âgées atteintes de polypathologies. Cette annonce a eu un effet rassurant pour les populations qui n’entraient pas dans ces critères, mais en toile de fond, elle venait stigmatiser une catégorie de citoyens déjà très fortement touchés par des représentations sociales négatives. L’extension aux patients atteints de déficits immunitaires ou de maladies chroniques est venue ouvrir la notion de risque à d’autres catégories de classe d’âge. Mais les populations à priori « bien portantes » se sentaient protégées de la contamination, et poursuivaient parfois des conduites à risque, faute de se sentir concernées. L’annonce de diagnostiques péjoratifs posés sur des gens jeunes et en bonne santé a fait basculer des représentations. Chacun dorénavant s’est senti intimement impliqué. L’angoisse s’est alors diffusée dans toutes les catégories sociales françaises.

Le virus ne serait pas mortel pour les plus jeunes, a-t-on pu lire à plusieurs reprises. Aucune statistique en pédiatrie n’a été diffusée et on peut s’interroger sur cette absence de données. Si l’annonce d’un enfant décédé de COVID-19 avait eu lieu, on aurait pu s’attendre à une panique générale. On sait que la mort d’un enfant est attachée à une représentation mentale très anxiogène, il s’agit dans nos sociétés d’évènements inacceptables et terrifiants…

Comme nous l’analyserons plus tard, les communications non officielles ont pu venir modifier les représentations et les mécanismes empathiques. Elles viennent brouiller les repères des populations, qui peuvent se mettre à douter de toute information, et faire obstacle aux mécanismes identificatoires. Ces fausses informations participent à créer de l’insécurité, l’impression que rien n’est fiable, et favorisent des mécanismes de défense trop exclusifs ou rigides, qui, comme nous le verrons, peuvent nuire à une bonne adaptation.

 

4.    Autonomie et justice

·         Une pensée conséquentialiste

 

En instaurant une injonction de confinement de ses citoyens, l’État français, dans le cadre de l’état d’urgence, instaure une limitation encadrée de la liberté d’aller et venir. Cette restriction est sous-tendue par une pensée conséquentialiste, c’est-à-dire qu’elle étudie la moralité d’une action en fonction de ses conséquences prévisibles. Elle s’oppose ainsi par exemple à la philosophie kantienne qui, elle, étudie la pertinence d’une action en fonction de sa conformité à des principes universels.

 

Rappelons que Tristam Engelhardt, philosophe contemporain américain, contredit le principe d’universalité kantien. Il considère qu’au sein d’une même communauté, les individus ne peuvent pas partager une même vision de ce que serait le bien. Il ne nous appartient pas de juger des choix d’autrui, tout choix individuel est légitime du moment qu’il ne nuit pas à la communauté. Tristan H. Engelhardt écrit ainsi : « Fais à autrui SON bien, tel que tu t’y es engagé, en accord avec lui-même, à le lui faire ».

 

 

 

Bien avant lui, le philosophe John Stuart Mill écrivait :

« La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres (…) sur lui-même, son corps et son esprit, l’individu est souverain »

 

Nous voici donc dans une situation de crise inédite où il est admis que l’exercice de la liberté de chaque individu de circuler peut mettre en péril la santé de tous.

 

·         Un certain paternalisme

 

Le paternalisme est une position traditionnellement forte en France en médecine. En effet, si le principe en France aujourd’hui est que le malade reste un individu libre de ses choix, cela n’a pas toujours été le cas concernant les décisions médicales. Auparavant, la tendance était d’exercer parfois un certain paternalisme médical : « je sais ce qui est bon pour vous ». Cette formule célèbre résumait alors la relation médecin-malade : « une conscience rencontre une confiance ». La philosophe Michela MARZANO note comme en 1947, l’article 30 du Code de déontologie médical se voulait paternaliste : « Après avoir établi un diagnostic ferme comportant une décision sérieuse, surtout si la vie du malade est en danger, un médecin doit s’efforcer d’imposer l’exécution de sa décision » (MARZANO, 2009, p.80-85). Ce n’est qu’en 1995 que la règle devient l’exception. Ainsi, en pleine montée en charge des associations de malades, à l’article 35, on trouve une référence à l’attitude qu’un médecin se doit d’avoir vis-à-vis du patient : « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne, qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose ». (MARZANO2009)

 

C’est sans doute cette tradition paternaliste qui permet à certains français d’obéir ainsi aux injonctions de l’Etat. Il faut en même temps remarquer que la confiance portée aux médecins a été entachée de doutes avec les scandales sanitaires du sang contaminé ou de médicaments qui se sont révélés être toxiques et pourtant longtemps mis sur le marché… Les patients ont ainsi revendiqué et gagné en démocratie sanitaire, mais avec le risque de se sentir en contrepartie anxieusement enjoints de prendre les bonnes décisions. Est-ce si simple quand on ne dispose d’aucune formation médicale, et qui plus est, dans le contexte actuel, de nombreuses informations contradictoires ?

Socrate précisait dans le Mythe de Prométhée (PLATON, infra), « un seul homme qui possède l’art de la médecine suffit pour un grand nombre de profanes », puis, « qu'on mettre à mort comme un fléau de la cité, l'homme qui se montre incapable de prendre part à la Vergogne et à la Justice ». La vergogne (la retenue, la pudeur, le scrupule) et la justice sont ainsi des vertus morales auxquelles nous devrions tous prendre part. Mais ce qui caractérise cette « guerre », c’est que, justement, elle relève aussi de l’art médical, que tous ne possèdent pas.

Comment s’y retrouver alors ? Sans doute, en apprenant à faire confiance. La philosophe Hannah Arendt écrivait en 1961 « L’action est concrète : elle échappe aux prévisions. C’est un risque. Et j’ajouterais maintenant que ce risque n’est possible que si l’on fait confiance aux hommes, c’est-à-dire si l’on accorde sa confiance - c’est cela qui est précisément difficile mais qui est fondamental - à ce qu’il y a de plus humain en l’homme. Autrement ça ne serait pas possible ». Il s’agit à l’heure actuelle de trouver des sources médicales honnêtes, sûres, et reconnaître notre incompétence. Il n’est pas question de se soumettre, mais de faire alliance, dans un mouvement solidaire respectant les atouts de chacun.

·         Une autonomie absolue

Certains citoyens ont, dans les premiers temps, bravé les recommandations nationales. Comme nous l’avons vu, cela peut être lié aux limites des capacités empathiques individuelles. Nous pouvons également émettre l’hypothèse que cela serait lié à une certaine vision de l’autonomie au sein de notre société. La philosophe M. Marzano écrivait déjà en 2009, à propos de l’autonomie :

« On a tendance aujourd’hui à prôner une morale du consentement en refusant toute « interférence », au nom d’une liberté totale et inconditionnelle. Mais en ignorant volontairement que le consentement s’inscrit toujours dans la réalité du vécu, on passe l’éponge non seulement sur les contraintes imposées à tout individu de l’extérieur et inhérentes à la réalité humaine, mais aussi sur tous les conditionnements qui relèvent de l’intérieur de chacun » (MARZANO, 2009).

 

L’autodétermination et l’individualisme règnerait en maître de nos jours, semblant faire fi des déterminants psychosociaux qui pourtant nous gouvernent au-delà de notre volonté consciente :

« On fait semblant d’oublier que l’être humain est un être charnel et non pas un pur esprit ; qu’il s’inscrit, dans et par son corps, dans la fragilité d’une existence marquée par des limites indépassables telles que la finitude, la dépendance, « l’impuissance originelle », comme l’écrivait Freud en 1895  […] Personne ne se résume à sa rationalité, l’inconscient a une place déterminante lorsqu’on décide ou qu’on choisit, les désirs sont parfois contradictoires, chacun est tout le temps tiraillé entre l’envie de s’épanouir et le besoin de s’autodétruire. C’est toute la complexité de la condition humaine. C’est la fragilité même de l’homme. » (MARZANO, 2009, p.4-12)

 

Le CCNE, dans son avis du 13 mars 2020, en s’appuyant sur un précédent avis relatif à une éventuelle pandémie (CCNE, avis n°106, 2009), remarque que « le questionnement éthique « amène  souvent  à confronter principe d’autonomie et exigence de solidarité », deux  concepts qui ne sont pas  exclusifs comme  cela  a  été  identifié en  2018 lors  des États  généraux  de  la  bioéthique : « être autonome, c’est être libre avec les autres et non pas contre eux ;  inversement,  la  solidarité consiste à permettre au plus grand nombre de personnes d’exercer leur autonomie.»  Dans une épidémie de cette nature, « une autonomie mal comprise qui se traduirait par un refus de soin [de la part du patient], dont l’effet serait de favoriser la propagation de la maladie, serait difficilement acceptable par la société. Elle devrait s’effacer au nom de la solidarité ». Dans le cas d’une épidémie grave et intervenant brutalement, les pouvoirs publics, rappelait le CCNE, pourraient prendre « des mesures contraignantes, telles que la réquisition ou le confinement de certaines catégories de citoyens, ou des restrictions à la circulation ». Selon le droit, « les restrictions générales ou particulières aux libertés individuelles doivent être décidées et appliquées conformément à la loi, être conformes à un objectif légitime d’intérêt général, être proportionnées et strictement nécessaires pour atteindre cet objectif, sans comporter de mesure déraisonnable ou discriminatoire, et être définies compte tenu des données acquises de la science, en particulier sur leur efficacité ».

 

Alors comment mobiliser la société face à une crise sanitaire ?  

« Comment se sentir concernés » dans une approche non plus individuelle mais collective visant à protéger une société entière. Citoyenneté, solidarité, responsabilité sont au cœur de la crise sanitaire.

Comment favoriser des changements de comportement, notamment adopter et renforcer des mesures d’hygiène, limiter les interactions sociales, etc. ?  L’observance et la non-observance sont des questions cruciales dans la situation actuelle. L’éducation sanitaire à grande échelle, avec effet immédiat semble complexe.

Quels rôles jouent les médias, internet, les soignants, les scientifiques, les associations, les lieux de culte, les forces de l’ordre, le citoyen, les réseaux sociaux ? Une mobilisation coordonnée de tous ces acteurs induirait-elle le changement ? Une telle coordination est-elle seulement possible ?

 

Gérard Reach, diabétologue, a étudié que la faiblesse de volonté serait située « entre deux Moi qui se succèdent dans le temps ». Être observant dans les maladies chronique nécessite de changer son comportement immédiat en prévision d’un bénéfice sur la santé à plus long terme. L’Etat annonce progressivement les durées de confinement, en raison du traitement des données épidémiologiques sans doute, mais peut-être aussi pour ne pas inscrire les bénéfices dans une temporalité trop lointaine. Annoncer d’emblée six semaines de confinement pourrait davantage engendrer des comportements non observants. Les récompenses concrètes (faire ce que l’on veut, sortir, aller voir ses proches, ne pas devoir respecter les règles d’hygiène) peuvent sembler trop attrayantes, pour un bénéfice à long terme qui pourrait sembler incertain (certains disent en effet « à quoi bon si j’ai le virus il en sera ainsi de toute façon, …). L’individu impatient préfère parfois « une petite récompense proche à une grande récompense lointaine » (REACH. G., 2009).

Alors G. Reach préconise plusieurs actions. La première, c’est de compter sur la fonction régulatrice de l’entourage. Tel Ulysse attaché à son mat, afin de ne pas succomber aux tentations, l’entourage peut avoir un effet dissuasif, en ces temps ou les informations et les injonctions sont diffusées à tous. La seconde, c’est d’avoir pour soi une sorte de « règle personnelle », qui consiste à voir dans chaque tentation présente la promesse faite à soi-même d’un bien sur le long terme. Reach remarque qu’une forte incertitude quant au futur (présente chez les adolescents ou dans le cas de maladies déjà sévères) tend à diminuer l’observance. La grossesse, elle, s’inscrivant dans un temps défini et concernant immédiatement un tiers vulnérable (l’enfant) est un temps où l’observance est généralement bonne. On comprend alors l’importance des messages nationaux en termes de temporalité et de solidarité envers les autres, pouvant être en situation de grande faiblesse au contact du virus.

 

7.    Des informations

 

L’information médicale est un droit fondamental inscrit au Code de la santé publique. Comment garantir la meilleure information individuelle possible, en ces temps où les personnes sont confinées et très anxieuses à l’égard de leurs symptômes ?

On peut imaginer comme le dispositif d’annonce doit être répétitif au cours de cette pandémie, d’autant que les citoyens peuvent avoir retenu de fausses informations anxiogènes. Comment garder toute l’attention nécessaire à chacun, tout en prenant en compte le principe de justice ? Souvenons-nous que, si nous sommes souvent enclins à répondre à l’appel des malades, au nom de la bienfaisance, la notion de justice pose quant à elle la question du tiers.

Informer suffisamment, mais aussi sans doute précautionneusement, tout en préservant le temps pour maximiser les chances de survie du plus grand nombre…

 

 

Droit des malades

   Droit à l’information

 

CSP, Article L1111-2 : toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

 

Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

 

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

 

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

 

 

Comme l’explique Dominique Thouvenin dans un rapport pour l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé, une information « loyale, claire et appropriée » est une information non seulement honnête et intelligible, mais aussi adaptée à la situation propre à la personne soignée : chaque médecin doit fixer un contenu à l’information à donner au patient, lui garantir des informations validées, réfléchir à la manière de préserver les risques et à leur prise en charge, veiller à la compréhension de l’information par les patients, et à ce que l’information soit intégrée comme un élément du système de soins. » (ANAES, 2000). L’information demande donc de la mesure.

 

L’information ne va pas sans secret professionnel. C’est le secret qui permet à la relation médecin-malade d’être fondée sur la confiance. Or, il semble que le secret soit mis à mal au cours de la pandémie.

D’une part, on assiste à des révélations publiques d’infection émanant de personnalités. Cela peut avoir comme effet positif, comme nous l’avons vu, de permettre davantage aux populations de mesurer l’extension de la pandémie. Mais, puisqu’il ne s’agit que de personnalités connues virtuellement, cela peut aussi renforcer un sentiment d’irréalité…

 

 

Code de déontologie médical

Secret professionnel

 

Le Code de déontologie médicale précise dans son article R4127-4 que « le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ».

 

 

 

Code de déontologie infirmier

Secret professionnel

 

Art. R. 4312-5. : Le secret professionnel s’impose à tout infirmier, dans les conditions établies par la loi. L’infirmier instruit les personnes qui l’assistent de leurs obligations en matière de secret professionnel.

 

 

D’autre part, de nombreux professionnels ont pu témoigner, photos et vidéos à l’appui, de leurs conditions de travail. A cet égard, il convient de rappeler l’extrême prudence qui doit être de rigueur, comme toujours. La crise parfois peut engendrer des impulsions, des passages à l’acte qui méritent d’être calmement réfléchis. Le secret relatif aux conditions de travail de son lieu d’exercice et aux patients pris en charge est une nécessité, à l’heure d’un emballement social, et d’une grande circulation des informations qui peuvent être utilisées ensuite de façon incontrôlable.

 

 

Code de déontologie infirmier

Honneur de la profession

 

CSP., Art. R. 4312-9 : L’infirmier s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci. En particulier, dans toute communication publique, il fait preuve de prudence dans ses propos et ne mentionne son appartenance à la profession qu’avec circonspection.

 

8.    Égalité, équité, dignité

 

·         Egalité et dignité

Le concept d’égalité et la notion d’équité sont souvent amalgamés et pourtant complémentaires.

L’égalité est un principe à atteindre qu’il ne faut pas confondre avec l’identité. En effet, Être égaux ne signifie pas Être identique. L’égalité ne retire pas la singularité de chacun. Il souligne une posture de l’individu au sein de la société en termes de relation, de traitement, d’accessibilité.

L’égalité est mesurable et objectivable.

La notion d’équité fait davantage référence à la notion de justice, de moral. Elle n’est pas liée à une répartition égale mais à une juste répartition.

 

C’est en 1948, que les états s’engagent à garantir cette égalité en adoptant la Déclaration des droits de l’Homme (Nations Unies, 1948).

 

                                                 

Déclaration universelle des droits de l’Homme

 

Article premier

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Il est question ici de considérer que chaque être humain mérite de l’égard sans discrimination, et une application de la justice, et donc de l’équité sans discrimination. Au travers du terme Fraternité, l’article rappelle la notion de collectivité et de la nécessité de relation, de lien unissant le peuple.

 

Article 25

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. 

 

Article 26

Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.

 L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

 

 

Les droits des malades tels qu’ils sont précisés dans le Code de la Santé Publique réaffirment « le droit à la protection de la santé comme un droit à valeur constitutionnelle, reconnu par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 : la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » (AIDES, 2015).

 

Dans ce contexte de crise sanitaire, l’égalité et l’équité en matière de santé, de travail et d’éducation sont-elles garanties ?

Face à une morbidité exponentielle, le système de santé est mobilisé de façon considérable. Il fait front aux moyens qui s’amenuisent. Il est déstabilisé. Il part à l’urgent. La pénurie des dispositifs médicaux, le manque d’infrastructures, et les limites des moyens humains imposent des choix dans la prise en charge des usagers. Des priorités sont alors définies

 

C’est ainsi que la continuité de la prise en charge dans le cadre de consultations, de soins ou de la programmation des interventions chirurgicales non urgentes sont différées ou annulées. En cas de présentation de symptômes grippaux, les consultations se réalisent par téléconsultation afin entre autres de désengorger les hôpitaux et le SAMU. Le diagnostic est alors porté sur l’énonciation des symptômes. Le traitement et l’arrêt de travail sont transmis par courriel.

 

La crise sanitaire que nous vivons conduit à la nécessité d’un confinement. Le télétravail permet à une catégorie d’emploi de poursuivre leur activité. D’autres ont recours au chômage partiel ou technique.

Mais qu’en est-il des activités qui ne peuvent se réaliser à distance et qui restent indispensables à la société ? Il s’agit pour exemples, de la caissière qui maintient l’activité de distribution alimentaire, du livreur qui assure cette continuité, du chauffeur de bus qui permet à ces personnes de poursuivre leur activité, et bien sûr, des soignants.

 

Depuis le 16 mars, les établissements scolaires sont fermés. L’enseignement s’organise alors à distance via les outils informatiques par des plates-formes de « continuité pédagogique ». L’enseignement est alors délégué aux parents. Certaines familles ne sont pas dotées d’outil informatique, d’autres possèdent un ordinateur qu’il faut partager avec les membres de la famille ou elles ne peuvent assurer le suivi scolaire de leurs enfants soit du fait de leur propre activité professionnelle soit du fait de difficultés de compréhension.

Inexorablement, les inégalités se creusent au fur et à mesure que la crise perdure. La crise sanitaire met en exergue une fracture sociale qui s’accentue. L’impact financier risque de peser sur le pouvoir d’achat, l’accès aux soins se complexifie, l’éducation scolaire prend un virage à double vitesse…  

Le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé dans une publication du 13 mars 2020 répond à la saisine du ministre en charge de la santé et de la solidarité à propos de la pandémie. Il insiste particulièrement sur la question des inégalités sociales face aux risques liés au développement de l’épidémie. Les conditions de vie et d’emploi, les conditions sanitaires, les conditions de travail (les contrats à durée déterminée moins favorables que les contrats à durée indéterminée), le chômage, l’état de santé et la fragilité des personnes pauvres (14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté) entraînent des risques spécifiques et accrus dans ce contexte où les mesures de précaution ne peuvent être matériellement appliquées. Les personnes sans logis, vivant en milieu précaire, à la rue, sont dans des conditions extrêmes de risque. Les personnes sans papiers se trouvent aussi dans des conditions difficiles, compte tenu de leur accès particulièrement restreint au système de santé. Il existe donc de fait une inégalité sociale face au risque d’être contaminé et à la prise en charge. Il existe également des risques réels de stigmatisation de certains groupes sociaux. Le CCNE recommande fortement aux pouvoirs publics d’intégrer la question des inégalités sociales face aux risques liés au développement de l’épidémie, de façon complète et appropriée dans la stratégie mise en place, ces situations de crise risquant d’exacerber les difficultés rencontrées par ces populations » (CCNE, 2020, p.6-7).
Dans ce contexte de crise sanitaire, les personnes vulnérables telles les personnes âgées, atteintes de maladies chroniques, en situation de handicap, sans domicile fixe, ou encore détenues, ne sont-elles pas davantage impactées ? Isolement social de nos ainés, suivi perturbé des malades atteints de pathologies chroniques ou incurables, déstabilisation de l’organisation du travail, circulation compliquée dans ce contexte de confinement (peur de la contamination), mobilisation du personnel dans la gestion des patients atteints du COVID 19… sont les sujets qui nous préoccupent de façon poignante aujourd’hui.

·         Dignité

Le CCNE, dans son avis du 13 mars 2020, nous éclaire quant au respect de la dignité. Ainsi, se référant à son précédant avis publié en 2009 sur les questions éthiques soulevées par une possible pandémie grippale, le CCNE rappelle que « les décisions qui seront prises, « quelle qu’en soit la nature, doivent répondre à l’exigence fondamentale du respect de la dignité humaine », c’est-à-dire que la valeur individuelle de chaque personne doit être reconnue comme absolue. Ainsi, rappelait cet avis, un plan de lutte contre une épidémie « ne doit pas aggraver les situations d’injustice déjà existantes », principe de justice que l’on peut décliner sous son acception égalitaire (agir pour que chaque personne soit reconnue dans sa dignité), mais aussi au sens de l’équité. Le respect du principe d’équité étant une condition essentielle d’action en contexte de pénurie de ressources, le CCNE recommandait que l’exigence de justice, au sens d’égalitarisme soit pondérée par la nécessité de priorisation des ressources. En situation de restriction des ressources, sélectionner les personnes à protéger en priorité en fonction de leur seule valeur « économique » immédiate ou future, c’est-à-dire de leur « utilité » sociale n’est pas acceptable : la dignité d’une personne n’est pas tributaire de son utilité. Ainsi, dans une situation de pénurie de ressources, les choix médicaux, toujours difficiles, seront guidés par une réflexion éthique qui prendra en compte le respect de la dignité des personnes en ces temps de crise et le principe d’équité ».

C’est au philosophe Emmanuel Kant que nous devons la notion de dignité telle qu’elle est présentée dans ces recommandations. Cette dignité de l’homme lui est acquise parce qu’il est un être de raison.  Pour Kant, la dignité est sans degré ; tout homme est digne. Comme l’explique si bien le philosophe Eric FIAT dans son « Petit traité de dignité » (FIAT E., 2012), le polyhandicapé a la loi morale en lui mais n’a peut-être pas les moyens de l’entendre… la personne âgée démente n’est peut-être plus tout à fait sujet mais demeure une personne...  Ainsi, la dignité est inaliénable. Le respect est le sentiment moral lié à la dignité. Tous les hommes doivent être respectés selon Kant. Dans le respect il y a une force qui maintient à distance ; quand j’éprouve du respect pour l’autre, je suis en dehors de tout affect, et c’est ce qui me permet de soigner tous les malades. Le respect trouve son origine dans notre part rationnelle, et non dans notre sensibilité, il n’est pas soumis aux circonstances, il est donc universel.

Mais ce n’est pas si simple. Bien que la dignité soit inaliénable et promue au rang universel, certains n’adhèrent pas à la fiction déontologique kantienne. C’est ainsi que la dignité est souvent confondue avec la maitrise. Cette conception est liée à l’idée que la perte du contrôle de soi constituerait une atteinte à la dignité. Celui qui se maîtriserait serait digne, l’incontinent le serait moins… Certains également confondent dignité et droit d’exercer une liberté qui se voudrait sans limite, en affirmant qu’un État qui n’organise pas de pratique euthanasique par exemple, nuirait à la liberté, et donc à la dignité. Au-delà d’essentielles précisions philosophiques que mériterait le sujet, il convient de remarquer comme la notion de dignité-maitrise participe sans doute à la crainte, pour bon nombre de citoyens, d’être écartés des moyens de réanimation du fait de leur âge ou de leurs incapacités…

 

9.    Décisions

 

La communication via les médias des choix douloureux auxquels ont été confrontées les équipes italiennes, faute de moyen, est venue inquiéter fortement la population française.

Les équipes médicales, et d’urgences en particulier, sont formées et habituées à devoir faire des choix médicaux, en termes de traitements entrepris et d’admissions. Ces situations sont habituellement débattues à huis clos.

La perspective de ne pas pouvoir profiter des meilleurs soins possibles du fait de la pénurie inquiète fortement les populations, et certains demandent quels seraient alors les critères de réanimation ventilatoire. Il convient de rappeler que l’éthique est une réflexion situationnelle, qui dépend donc des conditions du moment. Un patient n’est jamais comparable à un autre, une journée n’est jamais semblable à une autre.

Les patients sont habitués à bénéficier d’une prise en charge individuelle. La pandémie fait basculer cette logique vers une prise en compte à grande échelle des besoins. Aussi, c’est toute la pratique de la médecine qui se trouve bouleversée. Plus que jamais, il est nécessaire que les discussions éthiques se tiennent à huis clos, dans un climat le moins polémique possible, avec une nécessaire confiance envers les décideurs. Le temps est à la mesure…

Bien sûr, chacun serait porteur, par essence, d’une égale dignité. Et chacun, en théorie, aurait droit aux meilleurs soins pour lui-même… Il est sans doute précieux, dans notre contexte, de se demander si les mesures envisagées pour la personne sont vraiment les plus bienfaisantes dans sa situation individuelle.

Il s’agira pour les soignants de répondre à leur devoir d’humanité et de non-discrimination. L’expérience, et les données recueillies permettront aux équipes de répondre à ces questions. Parfois ce sera plus flou peut être. Il s’agira alors de faire le mieux possible, ou peut-être le moins mal possible…

 

 

 

Code Civil

 

Le respect du corps humain est inscrit au Code Civil dans son article 16 : la loi assure la primauté de la personneinterdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie.

 

 

 

Code de déontologie infirmière

Principes fondamentaux

 

CSP, Art. R. 4312-4. l’infirmier respecte en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de loyauté et d’humanité indispensables à l’exercice de la profession.

 

 

 

Droit des malades

Droit au soin et à la sécurité sanitaire

 

Les droits des malades inscrits au Code de la santé publique précisent que « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible » (article L1110-1).

 

L’article L1110-5 précise en outre que « toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées ».

 

Article L1110-2 : la personne malade a droit au respect de sa dignité.

 

Article L1110-3 : aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins.

                                     

 

 

 

                                                

Code de déontologie médicale

Non-discrimination

 

Selon l’article R4127-7, le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.

 

Article R4127-8

Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance.

Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.

 

 

                                                                                                           

Code de déontologie infirmier

Respect de l’intérêt du patient et du cadre d’exercice

 

CSP. Art. R. 4312-10. : l’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient. Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science.

Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées. Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés.

Il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience, ses compétences ou les moyens dont il dispose.

L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé.

 

 

 

Code de déontologie infirmière

Non-discrimination

 

CSP : Art. R. 4312-11. : l’infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale. Il leur apporte son concours en toutes circonstances.

Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne prise en charge.

 

10. Accompagnement

 

·         Une organisation nationale

 

La société française de soins palliatifs (SPAF) a communiqué le 17 mars 2020 une note sur l’adaptation de l’organisation de soins palliatifs au regard de la crise actuelle.

Cette note recommande la création d’unités de prise en charge palliative dans chaque centre habilité à recevoir des patients infectés du COVID-19. Il est recommandé que les équipes mobiles de soins palliatifs et les réseaux de soins soient une ressource en matière de formation et de prise en charge. Exceptionnellement, les médecins de ces équipes palliatives, habituellement restreints à une activité de conseil, voient leurs missions étendues à des prescriptions en direct. La diffusion de protocoles, l’anticipation de la commande de matériels et de traitements permettant de pallier la dyspnée est encouragée, pour une prise en charge de qualité en institution et à domicile

 

 

Droit des malades

 

Toute personne a le droit d'avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté (CSP, article L1110-1).

 

 

                                                                   

Code de déontologie infirmière

Prise en charge de la fin de vie

 

CSP., Art. R. 4312-20. : l’infirmier a le devoir de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Il a notamment le devoir d’aider le patient dont l’état le requiert à accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Il s’efforce également, dans les circonstances mentionnées aux alinéas précédents, d’accompagner l’entourage du patient.

 

Art. R. 4312-21.

L’infirmier doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité de la personne soignée et réconforter son entourage.

L’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort.

 

 

·         Des soins palliatifs troublés par la crise

 

Il est certain que plus les professionnels comprendront les origines des tensions dans leur activité, plus ils seront à même d’y faire face. Distinguer ce qui vient de soi, de ce qui est lié aux conditions actuelles d’exercice est un élément essentiel pour tenter de diminuer le sentiment de culpabilité qui peut être ressenti.

 

Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne, visant le soulagement des souffrances physiques, psychologique, et apportant un soutien social et spirituel au patient et à son entourage. Cette démarche pluridisciplinaire mobilise habituellement une coordination en institution et à domicile de personnels médicaux et paramédicaux, d’intervenants tels que kinésithérapeutes, sophrologues, psychologues, bénévoles, représentants des cultes, etc.

 

La démarche palliative en service de soins actifs ne va pas de soi ; elle nécessite, en équipe et individuellement, de considérer la survenue de la mort comme un processus naturel à accompagner, lorsque la situation clinique et les moyens disponibles ne permettent plus de prolonger la vie. Le temps passé auprès d’une personne en soins palliatifs et de ses proches peut sembler parfois incompatible avec la quantité de soins à réaliser auprès des autres patients.  Il s’agit d’une prise en charge continue, qui demande une adaptation prudente et constante aux circonstances, respectant autant que possible les demandes et les capacités psychiques des bénéficiaires. L’activité palliative exposant particulièrement les professionnels aux risques psychosociaux, les analyses des pratiques professionnelles, les démarches de réflexions éthiques, les soutiens techniques et psychiques sont conseillés. Un compagnonnage peut être apporté en institution et à domicile avec les équipes mobiles d’accompagnement ou les réseaux de soins palliatifs.

 

La prise en charge des patients souffrant d’une forme grave du COVID-19 qui n’ont pas pu bénéficier d’admission en réanimation ou pour lesquels une limitation de traitements actifs a été décidée, et qui présentent des états dyspnéiques et des détresses respiratoires, est actuellement particulièrement complexe, du fait de :

 

-          Un contexte social particulièrement anxiogène

-          Une multitude d’informations diffusées, parfois fausses et contradictoires

-          Un manque de ressources matérielles

-          Un manque de ressources humaines : intervenants pluriprofessionnels, bénévoles, représentants du culte

-          Des mesures d’hygiène particulièrement contraignantes

-          Un manque de formation de certains professionnels malgré le compagnonnage qui a déjà été déployé

-          Une charge de travail, physique et mentale, lourde, liée à l’urgence et au désir légitime de sauver le plus grand nombre de personnes

-          Une inquiétude des professionnels envers leur santé et celle de leurs proches

-          Des conditions de travail instables, dépendantes des évolutions épidémiques

-          Un confinement imposé aux familles des patients, restreignant les visites

-          Des conditions particulièrement restreintes de prise en charge des défunts, venant troubler les rites funéraires habituels des familles

 

L’objectif des soins infirmiers palliatifs est de prodiguer un certain confort, dans le cadre d’une situation à l’évolution clinique souvent rapidement défavorable. La démarche n’est pas d’accélérer la survenue du décès du patient mais de lui apporter un apaisement au regard de symptômes altérant grandement la qualité de la fin de sa vie.

 

La notion de détresse respiratoire asphyxiante peut survenir lors ou en dehors d’une infection COVID+. Sa survenue dans le cas de l’infection à coronavirus ne concerne qu’une minorité de patients gravement atteints. Il s’agit d’un symptôme redouté par les soignants, c’est pourquoi nous le développons particulièrement ici.

 

·         La détresse respiratoire asphyxiante se manifeste par (SFAP, 2020) :

 

-          Une Fréquence Respiratoire supérieure à 30 mouvements par minute,

-          Une tachycardie

-          Une agitation

-          L’utilisation des muscles respiratoires accessoires

-          Une respiration paradoxale

-          Un battement des ailes du nez, des râles en fin d’expiration

-          Une sensation d’étouffement avec une angoisse massive, une sensation de mort imminente, une agitation, un faciès de peur

 

·         La prise en charge médicamenteuse

 

A ce stade, la prise en charge repose sur l’association morphinique/ benzodiazépineÒ : par voie intra-veineuse préférentiellement, ou par voie sous-cutanée, en pousse seringue électrique en une même seringue, ou par perfusion avec régulateur de débit, avec l’administration de bolus si besoin) afin de diminuer la fréquence respiratoire et atténuer la sensation d’étouffement, en endormant parfois le patient. Un antiémétique peut être associé si besoin. L’encombrement bronchique est pris en charge par des antisécrétoires administrés par voie intra-veineuse, sous cutanée ou le cas échéant, par voie transdermique.  Des soins de bouche réguliers pallient l’inconfort. Une sédation peut être entreprise sur décision médicale avec un niveau qui peut varier au cours du temps afin de s’adapter aux besoins du patient.

Le rôle infirmier repose sur l’évaluation des symptômes et l’adaptation des protocoles en collaboration avec le médecin, et l’accompagnement relationnel des patients et de leurs proches. Nous présentons ci-dessous quelques éléments de la prise en charge infirmière en cas de détresse respiratoire aigüe, à un stade palliatif.

 

·         L’accompagnement palliatif en pratique

 

L’accompagnement est particulièrement difficile dans un climat d’urgence et d’angoisse globale. Le nombre croissant de la survenue des décès dans l’unité est un facteur évident d’épuisement professionnel ; aussi il est normal, dans ces circonstances, de sentir ses propres capacités débordées. Le confinement ajoute par ailleurs une tension, alors que souvent l’univers personnel / familial permet de faire ressource, une fois sorti du travail.

 

-          Comprendre les émotions

L’évolution de la détresse respiratoire peut être particulièrement rapide, soumettant les personnes à un choc rendant difficile l’élaboration psychique. Certains pourrons ainsi rechercher plusieurs fois les informations, ou manifester de la colère, qui pourra être projetée sur les membres de l’équipe. Il s’agit alors de soutenir les personnes, et de ne pas se sentir personnellement responsables.

 

-          Identifier les sources de colère, d’incompréhension, de crainte

Plus le soignant sera capable d’identifier ses propres sources d’émotions, plus il sera capable de les distinguer de celle des personnes prises en soins. Il est important que le soignant puisse montrer qu’il entend et transmet, en tant que professionnel d’une équipe, ce qui est dit ou demandé.

 

-          Expliquer la situation singulière du patient

Les patients et leurs proches craignent aujourd’hui d’être victimes d’une discrimination négative, souvent, pensent-ils, liée à l’âge. Il est essentiel d’expliquer que la situation personnelle du patient a fait l’objet d’une analyse sérieuse et collégiale, et que des moyens invasifs n’ont pas été retenus au regard des bénéfices et des risques pour lui, parce qu’ils auraient constitués une obstination déraisonnable. Il s’agit de lutter contre la crainte de n’être qu’un cas parmi d’autre, qui n’aurait pas de valeur.

 

-          Inscrire la prise en soins dans une temporalité

Dire quelle est la décision « pour le moment » et à quel moment elle sera réévaluée.

Permettre aux personnes d’identifier les soignants référents. 

 

-          Expliquer les symptômes et les efforts entrepris pour y pallier

Les symptômes respiratoires sont particulièrement anxiogènes pour l’entourage.

L’intérêt de l’association morphine/benzodiazépineÒ est de ralentir la fréquence respiratoire, favoriser une respiration plus ample, réduire l’angoisse et la douleur liées à la détresse respiratoire, sources de souffrances.

La respiration semble difficile parce qu’elle est bruyante ou rapide, mais elle n’est pas forcément insupportable pour le patient.

Les râles sont pris en charge par les antisécrétoires ; les bruits respiratoires persisteront sans doute, et les aspirations bronchiques ne sont pas utiles, car elles peuvent être traumatiques et source de douleurs.

Si la dyspnée est trop anxiogène pour les proches, leur conseiller de placer leur chaise à côté du patient, dans le même sens que lui, afin de le soutenir mais de ne pas regarder sa respiration.

Le plus adapté est de maintenir un environnement calme et reposant, et de limiter les soins invasifs, pour le confort du patient. Les soins de conforts seront limités aux actes nécessaires : soins de bouche pour palier à la sécheresse, toilette partielle.

Les inquiétudes relatives aux prises alimentaires, qui s’expriment par la peur que le patient ne « meure de faim » sont à entendre. Le patient ressent probablement une diminution physiologique de la sensation de faim et de soif qu’il convient de respecter. 

 

-          Affirmer les engagements envers les personnes, de manière individuelle

Parler à la première personne, en tant que membre d’une équipe, en exprimant les préoccupations de l’équipe à propos du patient.

Reformuler les propos des interlocuteurs afin qu’ils se sentent entendus.

Lorsque les personnes formulent des questions délicates, il est utile de leur demander ce qu’elles en pensent elles-mêmes afin de de les aider à faire cheminer leurs propres représentations.

Privilégier le « je », ce qui favorisera en retour l’expression personnelle de vos interlocuteurs, et le « nous » rendant visible la collaboration. Face à la peur d’une désorganisation, les messages renforçant la cohérence sont essentiels.

 

-          Lorsque le patient semble en phase agonique

Préparer les proches en leur demandant comment ils trouvent le patient.

Lorsque cela a déjà été dit par le médecin, réexpliquer qu’aucun traitement ne serait en mesure de le sauver, même s’il était transféré en réanimation.

Il peut être expliqué que le patient semble épuisé par la lutte contre le virus. Inviter les familles, si elles s’en sentent capables, à accompagner le patient sans le retenir.

Anticiper en demandant qui prévenir en cas d’aggravation, et s’ils souhaitent être prévenus la nuit ou non. Noter les différentes personnes à prévenir selon les situations (en cas d’aggravation, en cas de décès ; le jour, la nuit, etc.)

Si le patient est décédé, réfléchir à l’annonce faite aux familles. Une annonce d’aggravation alors que le patient est déjà décédé pourrait faire prendre des risques inutiles aux proches, qui feront un constat d’échec à l’arrivée en le trouvant décédé.

Se renseigner sur les dispositions funéraires mises en place par l’établissement, afin de pouvoir répondre aux éventuelles questions des proches.

 

-          Lorsque le patient est décédé

Aider les proches, s’ils n’étaient pas présents, à trouver du sens à cet évènement.

Demander aux personnes ce qu’elles en pensent. Souvent, les familles trouvent du sens à cette sortie discrète : « il a voulu me protéger en partant seul… ».

 

Il reste que les mesures de confinement rendent l’accompagnement social et spirituel des personnes en soins palliatifs très complexes, du fait de la réduction des intervenants (bénévoles, représentant du culte, art-thérapeutes, kinésithérapeute, sophrologue, etc.) et des mesures de confinement restreignant les visites aux malades. Il est évident que ces situations de restriction seront particulièrement difficiles à vivre par tous ceux qui désireraient, par égard pour chaque être, faire davantage… Nous devons rester intimement convaincus qu’en ces temps de tension, il est possible de répondre malgré tout à notre devoir d’accompagnement et d’humanité. La manière reste à inventer humblement, toujours au cas par cas, un jour après l’autre…

 

·         Rites et accompagnements funéraires

 

La préfecture de la Côte d’Or précise sur son site les recommandations nationales relatives au droit funéraire (DEBACKER P., 2020). Ainsi, « la présence des proches dans les chambres funéraires doit être limitée de sorte à permettre de respecter la distance de plus d’un mètre entre chacun. Il est préconisé de limiter à la plus stricte intimité la participation aux obsèques et cérémonies funéraires, en excluant toute proximité physique entre les personnes ».

« Le mode de sépulture, inhumation ou crémation, retenu en fonction de la volonté du défunt ou de la « personne ayant qualité pour pourvoir à ses funérailles » doit être respecté » ».

« Lorsqu’une personne est décédée à domicile des suites du coronavirus, le médecin qui constate le décès est amené à cocher la case « mise en bière immédiate » et le défunt, muni d’un bracelet d’identification, est placé dans une housse mortuaire qui ne doit pas être rouverte La thanatopraxie (soins de conservation) n’est pas autorisée sur le corps des personnes décédées du coronavirus. La mise en bière et la fermeture définitive du cercueil devant intervenir sans délai, il n’est pas possible pour la famille du défunt décédé atteint du coronavirus d’apercevoir le corps avant sa mise en bière dans la chambre mortuaire. Il ne peut donc pas non plus être effectué de toilette mortuaire, y compris rituelle, sur le corps du défunt ».

« La prise en charge matérielle et financière des obsèques en l’absence de famille incombe à la commune. Dans ce cas, le défunt est juridiquement assimilé à une « personne dépourvue de ressources suffisantes » et le maire, ou à défaut le préfet de département, pourvoit d’urgence à son inhumation (article L. 2223-7 du CGCT) ».

 

Le philosophe Éric Fiat commente le décès de sa tante pour le journal La Croix. Il relève comme l’épidémie vient profondément bousculer le symbolique. Ainsi, « les temps étant ce qu’ils sont, cette femme profondément chrétienne sera incinérée, sans présence des siens, sans fleurs ni couronnes, mais surtout sans messe ».

Une cérémonie eut sans doute « été sanitairement dangereux, nous dira-t-on.  Mais qu’elle parte sans un adieu, sans un je t’aime, n’est-ce pas symboliquement également bien dangereux ? ». Le philosophe souligne à cette occasion « la présente occultation de la mort, l’écrasement du symbolique par le statistique ».

 

 

 

 

 

 

 

 

11.  Souffrance soignante

 

·         Stress professionnel

Le stress est un processus subjectif indirect auquel nous sommes confrontés au quotidien et ce, par nos relations, nos interactions et nos échanges aussi bien au travail qu’à notre domicile.

 

Face à cette crise sanitaire, tout individu doit essayer d’effectuer un travail intrinsèque sur tout ce qui peut induire de l’anxiété et créer des réactions de stress dans son environnement et ce, afin de mettre en place de nouvelles capacités d’adaptation. Pour les soignants, cette gestion du stress doit être extrêmement complexe comme pour les personnes soignées. Ici, la notion de peur est omniprésente pendant cette période sans fin ; où tous nos actes et nos activités de soin résonnent aussi dans nos vies personnelles et ce, par projection. La peur est une émotion primaire comme la colère et l’amour. Cette peur de mourir, est une peur irrépressible, non contrôlable pour soi et pour ses proches. Le stress de tout à chacun peut être à son comble, telle une ombre qui nous suit sans mots et sans relâche. 

 

Nous, soignants, en plus d’apporter des soins techniques, nous devons réconforter les personnes en demande de soins, en tenant compte et en mesurant leur degré d’anxiété et de stress. Pour cela, nous devons repérer le stress d’autrui, diagnostiquer les causes de ce stress et en parallèle essayer de développer notre propre stratégie de gestion de stress et ce, afin d’être aidant et ainsi, améliorer la maîtrise des émotions en situation stressante.

 

Nous pouvons ici, identifier trois phases du stress : la phase d’alarme (libération d’adrénaline qui mobilise les ressources de l’organisme pour combattre ou pour fuir le danger), la phase de résistance (contrechoc, où l’individu récupère et remobilise ses forces) et la phase d’épuisement (si le stress persiste, les ressources et des symptômes somatiques et psychiques apparaissent). Une « souffrance éthique », sentiment douloureux créé par le constat de manquements à ses propres valeurs professionnelles, peut également donner le sentiment douloureux de trahir ses propres valeurs morales personnelles (DEJOURS, 2017).

 

·         Moyens de prévention

 

La chaire d’anesthésie-réanimation et de médecine d’urgence de l’École du Val de Grâce publie le 16 mars 2020[1] des recommandations organisationnelles pour faire face à la pandémie.

Le compagnonnage, afin de former les personnels, est conseillé de façon précoce.

Il est conseillé de créer deux postes de médecins distincts : le premier pour faire sortir les patients de la réanimation, et le second pour orienter les patients dans les bonnes zones de soins.

Afin de réduire la charge mentale, dans les postes de soins, les plus à risque psychosociaux sont invités à fractionner l’activité par taylorisation du travail.

Il s’agit d’une « sécurisation du travail en mono tâche mentale » issue de l’expérience chinoise. Ainsi, il y aurait une équipe dédiée aux intubations, une aux trachéotomies, une autre aux transports, etc.

Les directions des soins veillent actuellement aux appuis logistiques et psychologiques des équipes, à l’anticipation des besoins avec la constitution de travailleurs en « lignes de réserves ». Elles sont attentives au respect des jours et heures de repos pour des professionnels souvent très engagés qui ne se ménagent pas…

 

Face à la crise actuelle, il est important, pour les soignants, de se soutenir et d’être vigilants les uns envers les autres afin d’identifier tous les signes marquants ou non d’épuisement professionnel, qui peuvent se caractériser par un affaiblissement complet sans aucune force, la sensation d’être usé, exténué, vidé, lassé, avec l’impression de subir une épreuve éreintante.

Cet épuisement est lié à l’impossibilité de répondre aux demandes considérées pourtant comme légitimes et importantes et peut se traduire par une apathie, une prise de distance, une protection de soi-même, de la suspicion, de l’auto-évaluation, de la désillusion, de la colère contre soi retournée contre autrui.

Les symptômes sont nombreux. Le premier sera une fatigue continue, accompagnée d’épuisement mental, de déprime, de démotivation, une baisse de l’estime de soi, un sentiment d’incompétence mais aussi de l’irritabilité. Autant de signes qui ne sont pas à négliger. Des maladies psychosomatiques peuvent s’installer à ce moment-là.

 

Que nous soyons « soignés ou soignants », il faudrait apprendre à gérer son stress, comme en acceptant les choses que vous ne pouvez pas changer et apprendre à accepter des éléments inévitables. Le stress est une véritable transaction entre la personne et l’environnement, dans laquelle la situation est évaluée par la personne comme débordant ses propres ressources.

Il faut comprendre que nous avons deux façons de nous exprimer, verbale et non verbale. Cette dernière est souvent inconsciente. Notre corps est le premier objet de relation et de communication et il est la partie matérielle d’une personne, d’un être vivant en interaction permanente avec autrui. Le corps est le reflet de la personne, exprimant la joie, la peine, la colère, la fatigue, la douleur, les traces de l’histoire familiale, de la vie, ...

 

·         La motivation

 

Selon le Dictionnaire Larousse Universel, la motivation est l’ensemble des objectifs d’un comportement suscités par un état de besoin et entraînant un comportement qui vise à retrouver l’équilibre par la satisfaction du besoin. Chez l’être humain, les motivations cachent, par leur complexité, les pulsions qui sont à leur base.

D’un point de vue professionnel, la motivation correspond aux espoirs et la volonté des professionnels face à leur travail. Le professionnel afin d’être et de rester motivé a besoin de reconnaissance par ses pairs et l’institution dans laquelle il évolue, et ce, en fonction du travail accompli. Pour les professionnels de santé, leur reconnaissance est en lien avec les actes et activités accomplis auprès des soignés, et ce, afin de développer le soin relationnel soit par une évaluation du bien-être des patients et le « bon » fonctionnement de l’unité de soins dans laquelle ils évoluent.

Au jour du COVID-19, les professionnels souffrent encore plus, confrontés au stress et à un manque de personnel et de temps pouvant entraîner un épuisement émotionnel. Les plus exposés, qui sont souvent les plus motivés, vont puiser dans leurs ressources physiques et psychiques, pour apporter des soins techniques et relationnels, et favoriser un esprit d’équipe et d’entre aide. Par ailleurs, ils engagent des mécanismes de défense afin de diminuer inconsciemment leur anxiété.

 

·         Mécanismes de défense

 

-         Le mensonge

C’est le mécanisme le plus entier, le plus radical et dommageable. Il consiste à travestir la vérité, en alléguant de fausses informations. Pour exemple, dire qu’il s’agit d’un « polype » à la place d’un « cancer ». C’est le mécanisme de l’urgence, le soignant rejette son angoisse et prohibe tout dialogue.

Paradoxalement, le soignant entretient la confiance du patient à son égard, malgré le dommage créé sur l’équilibre psychique et la nécessaire angoisse du patient. Il convient de rappeler qu’il existe des « bonnes angoisses », servant au développement graduel, protectrices. L’affirmation mensongère diffère du mensonge par omission (vérité graduelle).

 

-          La banalisation

Le soignant se focalise sur une seule partie du sujet en souffrance ; ce qui ressemble à traiter la maladie avant de traiter le malade.

Lorsqu’on prend en compte la plainte, il s’agit de l’expression d’une souffrance physique, la complainte étant l’expression d’une souffrance psychique.

 

-          L’esquive

Pour le soignant il s’agit du rejet de la confrontation, il n’assume pas sa propre angoisse. Le patient se sent désemparé, son angoisse augmente. Le soignant reconnaît la souffrance psychique, mais ne supporte pas l’impuissance. On parle de déphasage, de hors-sujet, de fuite de la réalité ; souvent il y a retard à la divulgation des données. Pour exemple, à la question « Vais-je mourir, que deviendront mes enfants ?», la réponse pourrait être « Combien d’enfants avez-vous ? Je repasserai vous voir… ».

 

-          La fausse réassurance

Le soignant détient une vérité médicale que le patient soupçonne. Il crée une optimisation des résultats pour entretenir une sorte d’espoir artificiel.

Le soignant maintient le patient dans l’ignorance partielle.

Pour exemple, à la question que pose une patiente en phase terminale : « j’ai besoin de savoir où je suis », la réponse serait : « La chimio va marcher, ne vous inquiétez pas ».

 

 

 

-          La rationalisation

Pour le patient, il n’y a pas un mot auquel se raccrocher, peu de données explicites, le discours est hermétique et peu compréhensible pour le non-initié. Cela engendre l’accroissement du caractère occulte, énigmatique donc menaçant, de la maladie. Le soignant se retranche derrière son savoir, serait-ce l’évitement du dialogue ?

Pour exemple, une patiente de 35 ans, atteinte d’un cancer de l’utérus s’inquiète, a subi de multiples examens ; son médecin : « Vous avez un cancer de 9 cm avec infiltration des annexes par contiguïté, due à l’expansion d’un processus néoplasique… ».

 

-          L’évitement

Pour illustration, le soignant rentre dans la chambre, regarde la pancarte, sans jamais croiser le regard du patient. Le médecin s’adresse aux étudiants et pas au patient. Le soignant voit le patient comme un objet de soins, nie sa présence physique et psychique, le patient est réduit à l’état de dossier.

Pour exemple, on profite du sommeil du patient pour ne pas le déranger, on fuit du regard, on évite les échanges directs, etc.

 

-          La dérision

Cela consiste à s’abstraire à une véritable relation, ne pas reconnaître une souffrance banalisée.  Pour exemple, une patiente avec des œdèmes importants se plaint « j’ai de l’eau dans les jambes », le médecin lui répond « ce n’est tout de même pas la mer à boire ! ».

 

-          La fuite en avant

Lorsque la menace est si proche, le soignant peut se réfugier dans ses autres mécanismes de défense, ni le mensonge (radicalement opposé), ni la fausse-réassurance (qui permet un décalage salutaire temporaire), ni l’esquive (qui conserve une voie d’accès au dialogue), ni la rationalisation (qui autorise encore la temporisation par un langage hermétique). Avec tous ces mécanismes, les soignants sont encore persuadés d’être dans la maîtrise, de s’être ménagé un semblant d’issue. S’alléger d’un savoir accablant, se décharger de son angoisse reste difficile. Parfois, la spontanéité, les réponses concises et lapidaires sont une façon de se protéger.

 

-          L’identification projective

L’identification projective serait la tentative de dissoudre la distance par le soignant, le contraire de la banalisation qui est une distanciation maximale.

Le soignant se substitue au malade, il croit seul savoir ce qui est bien pour lui, il se met à la place du patient, sans y être jamais ! L’investissement affectif et émotionnel du soignant, qui est à l’écoute de lui-même, est exacerbé.

 

La mise en place des mécanismes de défense par les professionnels de santé, leur permettent de mieux vivre cette temporalité de crise sanitaire. Ils deviennent des héros sans nom où la plainte n’existe pas. Ils tirent aussi leur force de l’unité professionnelle tissée par des valeurs fortes où la notion d’alliance est éclairée et fondatrice. C’est un engagement mutuel face à l’adversité. Les soignants ont besoin de se retrouver aussi dans leur « cocon familial » afin d’être rassurés, se sentier aimés et soutenus dans leur fonction et leur statut de personne unique et pouvant être aussi « faible ».

 

Ce temps de COVID-19, nous montre la fragilité des rapports humains et l’importance des aidants familiaux dans cette crise sanitaire et identitaire.

L’humain a besoin d’être soutenu, aidé, encouragé, valorisé afin de pouvoir vivre cette situation stressante où la peur est présente pour soi et les autres. Ici, les aidants familiaux qui gèrent les patients chroniques ont une charge mentale importante. Comment pouvons-nous les aider au regard du confinement ?

 

·         Alliance

L’alliance thérapeutique est un concept défini par Sigmund FREUD en 1931 comme « un intérêt sérieux et une compréhension bienveillante de la part du soignant qui permet de développer avec le personne soignée une communauté d’intérêt et une obligation réciproque ».

 

Selon Carl ROGERS, l’alliance thérapeutique est une confiance réciproque, une acceptation, une confidentialité, avec des buts communs pour la personne soignée et le soignant.  Elle est centrée sur la personne où la qualité de la relation avec le patient est primordiale ; elle donne naissance à la relation d’aide pour laquelle la présence, l’écoute, le non-jugement, la considération positive et surtout l’empathie sont devenus essentiel aux soins infirmiers.

 

Il faut savoir que la communication et les relations interpersonnelles sont deux compléments vitaux du processus des soins infirmiers et du prendre soin. L’unité de base en soins infirmiers comprend deux personnes : le patient et le soignant. Dans cette relation interpersonnelle, ces deux personnes apportent leurs expériences passées et leurs attentes de la situation actuelle, et essaient de trouver des moyens pour s’exprimer, comprendre et agir sur elles. 

 

L’alliance thérapeutique évoque la conjonction de deux volontés dans une même recherche du mieux-être du patient. La question de la « vérité à dire au patient » ne se pose plus alors comme telle. Il s’agit que le soignant aille à la rencontre des représentations, questions et attentes du soigné. C’est la manière de dire et d’accompagner alors qui devient tout le problème à résoudre.

Comment le patient ou la famille perçoit-il la situation ? Au lieu de vouloir « enseigner » des savoirs médicaux, il faut aller comprendre ce qu’ils pensent, car les représentations, les croyances d’un individu ou d’un groupe sont difficiles à changer et peuvent être de véritables sources d’incompréhensions, obstacles à la relation.

 

Le groupe de réflexion éthique de l’espace éthique Rhône-Alpes écrit, à propos de la relation soignant-soigné :

 

« Être à l’écoute, être attentif aux mots choisis et assurer un suivi sont essentiels dans l’annonce d’une, voire plusieurs mauvaises nouvelles. Cette annonce s’inscrit toujours dans une histoire avec un pendant, un avant, et un après. Elle prend place dans une relation et un contexte. Elle ne doit pas être délivrée brutalement au risque de traumatiser le patient. L’intensité de l’émotion parfois provoquée par l’annonce fait que le patient n’entend qu’une partie de ce qui est effectivement dit. Lors de la consultation où est réalisée la première annonce, tout ne peut pas être abordé, le patient a besoin de temps.  […] peut-on alors parler d’une science du moment opportun ? » (LEMOINE, VASSAL, 2107).

 

« Ce questionnement sur le moment du dire, sur ce qu’il faut dire ou non, et la façon de le dire, engage la réflexion sur le rapport que le soignant peut avoir à l’incertitude en général et au doute en particulier […] Il y a toujours pour le médecin une incertitude essentielle qui sépare la connaissance statique d’une population de la connaissance dont on aimerait disposer à l’égard d’un sujet singulier. En plus d’une incertitude liée à l’état de la science et des connaissances, qu’en est-il de l’accueil d’une information pour le patient lui-même ? Dans le cadre d’une information sur l’incurabilité d’une maladie, l’information délivrée n’est bien sûr pas que médicale et raisonne au-delà de ce seul niveau. Evoquer l’impossibilité pour la personne de guérir, c’est aussi faire se diriger le dialogue sur une mort possiblement imminente. Comment dès lors adapter son discours, tant parler de cette période de fin de vie n’est pas chose aisée ? […] Comment aider cette personne malade à ce moment de son histoire de vie ? […] « Que faut-il dire au malade, Il faut le lui demander », affirmait le médecin Jay Katz » (LEMOINE, VASSAL, 2017).

 

Les soignants sont plus susceptibles d’avoir des interactions positives avec les patients et de leur prodiguer de meilleurs soins s’ils comprennent les différences entre leurs valeurs culturelles, leurs croyances et leurs pratiques et celles de leurs patients. La relation de soin engagée peut être une simple interaction ou une « vraie » relation suivant les protagonistes, leur connaissance mutuelle, le contexte dans lequel se situe le soin.

 

Pour que le soignant soit compétent afin d’établir une communication aidante, il doit être capable d’agir en mettant en place une démarche où se manifestent des attitudes particulières faites d’attention à l’autre, de sensibilité, d’empathie, de capacité d’écoute, etc. A ce moment-là, le patient peut ne plus être en position basse ; il se retrouve dans une position symétrique, mais avec des compétences différentes. En effet, le soignant est expert en thérapie, en maladie, dans le prendre soin. Le soigné est expert en lui-même et sa maladie.  Le soignant et le patient sont ici des partenaires incontournables de la prise en soin.

 

·         Le Modèle de Partenariat Humaniste en Santé (MPHS)

 

Nous pouvons nous appuyer ici sur le Modèle de Partenariat Humaniste en Santé (MPHS), qui nous éclaire sur la relation induite dans la prise en soin et la place des protagonistes.  Ce modèle, dit : « Aller ensemble avec la personne vers une nouvelle identité-intégrité ». Il est important de souligner les fondamentaux de ce modèle afin de le comprendre. Ainsi, pour la MPHS chaque être humain est unique et mérite tous les égards et la considération de chacun, se gouverne par lui-même compte tenu de ses potentialités intrinsèques et du sens qu’il donne à ses propres choix et enfin co-construit de façon singulière son projet de vie avec des partenaires dans ses environnements.

Les valeurs prônées par ce modèle sont le respect de l’Humain dans son essence, l’autonomie de la personne, l’égalité dans la relation, la croyance dans le potentiel de chaque être humain et la fidélité dans ses engagements.

 

Le but de ce modèle est de proposer un accompagnement coopératif qui vise à « aller ensemble avec le patient vers… », en s’ajustant à chaque situation et à chaque personne. C’est un processus privilégiant des interactions sous forme d’échanges d’égal à égal entre les partenaires. La personne soignée est donc un partenaire de soin incontournable.

Nous, soignants, sommes guidés par des valeurs professionnelles et ce, afin de pouvoir prodiguer des soins de qualités, et identiques pour tous. Les fondements des valeurs professionnelles humanistes sont l’excellence des soins, l’intégrité du professionnel, le respect de la personne, la collaboration professionnelle, l’humanité (générosité, tolérance, unicité, empathie), et enfin la liberté de choix. Walter HESBEEN met en avant les notions de valeurs et de qualités soignantes telles que la bienveillance, politesse, humilité, générosité.

 

L’ensemble de cette approche s'appuie sur des fondamentaux que l’on retrouve dans l’approche du « caring », comme les valeurs humanistes de respect de collaboration, d’unicité et du respect de la dignité de la personne et de ses proches.  De manière complémentaire, le modèle des « valeurs non négociables, des valeurs indispensables » renforce notre posture professionnelle en y intégrant les notions de bienveillance, politesse, humilité, générosité. 

 

·         L’alliance et le modèle humaniste à l’épreuve de la crise

Nous, soignants, percevons l’importance de connaître et maîtriser ces notions et concepts ; ils restent fondamentaux afin de nous permettre de comprendre la personne soignée et son entourage dans ses choix, ses attitudes, ses actions, ses réactions.

 

Au jour du COVID-19, le contrôle de nos émotions est complexe. Tout est remis en question par cette notion si humaine et incontournable de LA PEUR. Le monde qui nous entoure devient un danger permanent au présent et au futur ; nos réactions humaines peuvent être entachées par notre angoisse et par conséquent, nuire à nos prises en soin.

Et pourtant les personnes, dans toute leurs singularités, en demande d’aide, ont besoin d’être soignées, rassurées, écoutées, valorisées. Mais comment pouvons-nous surmonter, traduire, répondre, comprendre leurs demandes, leurs besoins, leurs réactions face à des évènements de vie, leurs événements de vie en pleine crise sanitaire, quand nous même nous sommes sous le choc ? Quand nos émotions prennent le dessus sur nos actes et que nous restons figés et démunis dans l’action... Comment pouvons-nous gérer nos émotions, notre stress face aux situations rencontrées désirées ou non et ce, aussi bien au niveau personnel que professionnel, surtout lorsque ces deux mondes, en pleine crise sanitaire, s’entrechoquent, se questionnent, se jugent, nous culpabilisent ?

 

·         La résilience

Le Docteur MOLENA, du Centre Nationale de Ressources et de Résilience, précise que cette crise est « une source potentielle de stress ».

 

« La résilience c’est la capacité à s’adapter et à rebondir en période d’adversité. Et donc à traverser une épreuve avec le plus d’adaptabilité possible. Les études montrent que la résilience est corrélée à la souplesse (émotionnelle et cognitive), un brin de positivisme réaliste et une capacité à faire face aux événements douloureux de façon calme, mais proactive ». L’auteur émet quelques propositions pour augmenter les capacités de résilience.

 

-          Entretenir son évaluation d’auto-efficacité

« La manière dont nous affrontons une épreuve est liée à l’évaluation que nous faisons de notre capacité à la traverser et à la surmonter. Pour renforcer notre résilience, rappelons-nous que nous pouvons nous adapter, que nous sommes entourés, conseillés ».

Il s’agit de se rappeler « que nous avons été capables de traverser des épreuves avec succès dans le passé et que nous pouvons nous fier à nos capacités d’adaptation pour celle-ci aussi ».

 

 

-          Tolérer l’incertitude

« Nous ne savons pas encore comment la situation va évoluer. Beaucoup d’incertitude plane et aucun expert ne pourrait nous dire ce qui nous attend demain ou la semaine prochaine. Dans ce contexte particulier, permettons-nous le flou, le vague et tolérons le fait que nous ne savons pas. Et ce, tout en nous rappelant que nous serons fixés bientôt. Et que l’épreuve sera temporaire ».

 

-          Augmenter son sentiment de sécurité

« Nous avons besoin de sentir que nous comprenons bien ce qui se passe et que nous pouvons faire des gestes concrets pour nous aider.

Tenons-nous informés à partir de sources fiables comme celles des autorités sanitaires et ignorons les sites internet qui propagent de fausses informations qui peuvent nous stresser ou nous donner un sentiment d’impuissance.

Suivons les consignes édictées par Santé Publique France et par le Gouvernement qui sont efficaces pour nous préserver de la contamination.

En adoptant des consignes efficaces pour éloigner le danger, nous réduisons notre peur de tomber malade.

Recherchons les médias qui augmentent notre sentiment de contrôle et d’auto-efficacité, c’est-à-dire les médias capables de bannir l’usage de mots dramatisants et d’accorder un temps de qualité à des nouvelles encourageantes ».

« Gardons en tête ce que les infectiologues nous disent et ce que nous pouvons apprendre de l’expérience chinoise. Les chiffres à ce sujet montrent que dans un pays de 1,4 milliard d’habitants, près de 80 000 personnes ont été contaminées... et que, par conséquent, une immense population a été épargnée. Nous savons aussi que les taux de guérison sont plus élevés que prévu. Nous savons aussi que plusieurs mesures prises par les gouvernements fonctionnent.

Revenons aux faits et à la science quand nous nous sentons emportés par l’inquiétude, la catastrophe ou la panique ».

 

-          Faisons confiance

« Faisons confiance à notre système immunitaire, d’abord. À nos comportements ensuite, puisque nous suivrons les consignes prescrites par la santé publique. Puis à nos dirigeants qui semblent préparés, qui ont le bien-être de la population à cœur et qui prennent des mesures pour nous protéger.

Faisons aussi confiance à nos médecins et à notre système de santé. Bref, abandonnons-nous aux experts quand nous sentons que nous ne maîtrisons pas toutes les données de la situation ».

 

-          Accepter la réalité

« Acceptons les circonstances et la réalité de la situation qui ne peuvent pas être changées et concentrons-nous sur ce que nous pouvons accomplir ou contrôler. Redéfinissons ce que nous entendons par « bonne journée » pour nous ajuster à la réalité actuelle de la situation et développons des plans d’activités simples à réaliser pour nous préserver d’impressions de dépassement ou de détresse excessive. Nous pourrons même a posteriori (pourquoi pas ?) être fiers de ce que nous avons été capables d’accomplir en tant que personne, famille, organisation ou société. Laissons tomber nos exigences et notre rigidité ; c’est le moment d’être plus souples et adaptatifs et de prendre les choses en relativisant nos priorités ».

 

-          Privilégier les choses qui font du bien

« Privilégions les activités qui nous font du bien. Le confinement n’est pas une situation agréable à vivre. Il nous oblige à de nombreux renoncements et peut être à l’origine de frustrations. Compensons cet état de fait en nous inscrivant dans des activités plaisantes et apaisantes comme la lecture, la musique, l’organisation de jeux de société avec nos proches, de jeux simples avec notre animal de compagnie, etc. ou toutes autres techniques qui ont déjà fonctionné durant des événements passés ».

« Célébrons les petits succès et prenons plaisir à accomplir des tâches, même les plus modestes. Evitons enfin les comportements impulsifs ainsi que la consommation d’alcool, de tabac ou de drogue. Projetons-nous dans l’avenir avec des pensées positives. Essayons d’adopter des pensées positives sans pour autant nier la réalité. Remplaçons, par exemple, « c’est un moment difficile » par « c’est un moment difficile mais je peux le surmonter ». Considérons la situation stressante dans un contexte plus large et gardons une perspective à long terme : « Que vais-je faire quand, demain, je serai à nouveau libre de sortir ? ».

 

-          Restons solidaires

« Dans cette période d’isolement physique nécessaire, restons en contact avec notre famille, nos amis, nos collègues par tous les moyens dont nous disposons : téléphone, appels vidéo, mails. Augmentons notre solidarité collective Cela peut vouloir dire agir en bons citoyens pour protéger les autres. Et aussi s’ouvrir à ceux qui sont plus démunis, moins préparés, mis en quarantaine ou souffrants. La bienveillance et l’ouverture sont associées à une meilleure capacité à traverser l’adversité. Elles reflètent le meilleur de nous, de la nature humaine, de notre société. Elles sont associées à une plus grande résilience ».

 

 

 

Conclusion

 

 

 

Le monde traverse une crise sans précédent, où naissent de part en part des tensions médicales, éthiques, sociales et économiques. Il s’agit d’une situation qui va sans doute changer de façon radicale notre milieu professionnel. Qui aurait un jour imaginé que nous pourrions être touchés par une pandémie de ce type ? Bien évidemment, le scénario avait été pensé : des plans d’aide à la prise de décision ou à la gestion de situation de crise avaient été définis et expérimentés, mais, dans cette réalité qui nous affecte, ils semblent toutefois dépassés par l’ampleur du phénomène. Les systèmes de santé de nombreux pays, pourtant réputés performants, sont mis à mal et démontrent leur fragilité, leurs limites et surtout leur manque d’anticipation.

 

Toutes les réformes engagées depuis des années pour rationaliser les dépenses de santé montrent aujourd’hui à quel point elles ont fragilisé nos institutions et nos professionnels : manque de masques et de moyens de protection, menace de pénurie de médicaments, manque cruel de places dans les services de réanimation, et bien sûr de matériels… Tout ceci entraine de la peur, une incompréhension, un sentiment d’impuissance et de la colère, mais aussi des comportements induits pas l’individualisme qui règne dans nos sociétés « modernes ». La communication mise en œuvre par l’État, dans un dessein d’information et de transparence, longue litanie quotidienne, pointe chaque jour un peu plus notre impuissance et peine à induire, malgré ses nombreuses suppliques, une prise de conscience du besoin de penser l’intérêt collectif comme supérieur à l’intérêt individuel.

 

Il est certain que cette crise aura des retombées majeures à tous les niveaux de la société. Nous pouvons d’ores et déjà nous questionner sur les retombées des ruptures engendrées par le COVID-19 et leur impact sur les inégalités sociales mais également sur les conséquences de cette pandémie en termes de comorbidités, liées à la non-observance des traitements de fond des maladies chroniques, prévisible en temps de crise, aux ruptures de suivis, au stress, et aux comportements à risque. Enfin, quelles répercussions à venir sur la santé psychique d’une société déjà marquée par des troubles du lien ?

 

Au milieu de tout cela, nous pouvons quand même espérer que cette crise servira de révélateur des difficultés et du manque de moyens, dénoncés de longue date par les soignants, mais jusque-là peu entendus et pris en compte, et qu’à nouveau, la santé sera promue au rang de « bien sacré ».

 

Pour Hannah Arendt, « c’est la possibilité d’action qui fait de l’homme un être politique ». C’est « parce qu’ils parlent, se comprennent les uns les autres, se comprennent eux-mêmes » que les hommes peuvent avoir une compréhension politique du monde et agir en conséquence.  Il ne s’agit pas alors d’agir de concert, tous d’une même voix, mais de se positionner comme acteur d’un monde sensible, et d’y associer la parole : « l’acte ne prend un sens que par la parole dans laquelle l’agent s’identifie comme acteur, annonçant ce qu’il fait, ce qu’il a fait, ce qu’il veut faire ». Hannah Arendt est ainsi convaincue que le politique rend possible le changement. Elle fait poindre l’espoir d’une évolution possible, à condition de favoriser le rassemblement et la délibération : « L’action est concrète : elle échappe aux prévisions. C’est un risque. Et j’ajouterai maintenant que ce risque n’est possible que si l’on fait confiance aux hommes, c’est-à-dire si l’on accorde sa confiance - c’est cela qui est précisément difficile mais qui est fondamental - à ce qu’il y a de plus humain en l’homme. Autrement ça ne serait pas possible » (ARENDT, 1961).

 

Corine Pelluchon, Docteur en philosophie, précise à son tour, au regard de la crise : « Le travail du philosophe, c’est d’ouvrir un horizon d’espérance, de donner des outils pour réparer le monde, mais aussi pour préparer l’avenir, en permettant à chacun de se les approprier et de faire sa part. Nous ne sommes pas condamnés au chaos. On peut initier une transition. Il ne s’agit pas de réparer le monde pour qu’il soit comme avant, mais de proposer des alternatives et d’innover » (PELLUCHON C., in LEGROS C., 2020).

 

 

Bibliographie

 

 

OUVRAGES

 

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-          ARENDT H. (1961), Condition de l’homme moderne, Agora, Pocket, 2008.

-          AUSLENDER, V. Omerta à l'hôpital : Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé. Paris : Éditions Michalon, 2017.

-          BERNAUD, JL. LEMOINE C. Traité de psychologie du travail et des organisations. 3ème édition. Paris : Dunod, 2012.    

-          CHALIFOUR, J. La relation d’aide en soins infirmiers, une perspective holistique – humaniste. Gaëtan Morin Éditeur, 1989. 

-          DEJOURS, C. Travail, usure mentale. Nouvelle édition. Paris : Bayard, 2000.

-          DEJOURS, C. Quand le "tournant gestionnaire" aggrave les décompensations de soignantsin AUSLENDER V., Omerta à l'hôpital : Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé. Paris : Éditions Michalon, 2017, p. 203-212.

-          FIAT, E., Petit traité de dignité, Essai, Poche, 2012.

-          FRANCOIS, P. Orientation, vie professionnelle et conseil individuel.  p15-99.

In BERNAUD, JL. ; LEMOINE C. Traité de psychologie du travail et des organisations. 3ème édition. Paris : Dunod, 2012. 

-          GAILLE, M. Vulnérabilité, Dictionnaire de la violence, sous la direction de MARZANO M., PUF, Quadrige, 2011, p.1440-1441

-          HESBEEN, W. Prendre soin à l’hôpital : inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Issy les Moulineaux : Masson, 1997.  

-          KARNAS, G. Psychologie du travail. Que sais-je ? Paris : PUF, 2002.  

-          MANOUKIAN, A. ; MASSEBEUF A. La relation soignant-soigné 3ème édition. Éditions LAMARRE, 2008.

-          PAILLARD, C. Dictionnaire des concepts en soins infirmiersVocabulaire professionnel de la relation soignant-soigné. Sètes Éditions, 2016.   

-          PELAU, H. E. (1995). Relations interpersonnelles en soins infirmiers. Inter Editions, 1995.

-          ROGERS, C. La relation d’aide et la psychothérapie. ESF Sciences Humaines, 2019.

-          ROGERS, C. Psychothérapie et relations humaines. ESF Sciences Humaines, 2016. 

-          ROGER, JL. Refaire son métier. Essai de clinique de l’activité. Toulouse : Erès, 2007.

-          ROGER, C. Le développement de la personne. Paris : Dunod – InterEditions, 2005.    

-          SUTTER, P.-E., Travailler sans s’épuiser, Eyrolles, 2016.

-          TRUCHOT, D.  Épuisement professionnel et burn-out : concepts, modèles, interventions. Paris, Dunod, 2005.  

-          ZAWIEJA, Ph. Le burn-outQue sais-je ? Paris : PUF, 2015

ARTICLES

 

-          AUSLENDER, V. et FLEURY, C. La maltraitance des étudiants à l’hôpital. Revue Soins, 2017, n°818

-          CAGNOLO, M-C. Le handicap dans la société : problématiques historiques et contemporaines. Humanisme et entreprise, 2009, n°295, p. 57-71.

-          BOURGEON, D. Le don et la relation de soin : historique et perspective. Recherche en soins infirmiers, 2007, n°89.

-          COLLECTIF. Burn-out : comprendre et accompagner. Santé mentale, 2004, n°190.

-          COLLECTIF. Gestion du stress au travail. Soins, 2011, n°752.

-          FIAT, E. Aujourd’hui ma tante est morte. La croix, 23/03/2020, p.22-23.

-          FORMARIER, M. L’apport des sciences infirmières aux sciences humaines. Recherche en soins infirmiers, 2007, n°89. ISSN 0297-2964. ARSI.

-          FORMARIER, M. La relation de soin, concepts et finalités. Recherche en soins infirmiers. 2007, n°89.

-          PHANEUF, M. Quelques repères pour évaluer les attitudes et les comportements professionnels en soins infirmiers [en ligne]. 2013. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : http://www.prendresoin.org/wp-content/uploads/2012/11/Quelques_reperes_pour_evaluer_attitudes_et_comportements_en_soins_infirmiers1.pdfwww.prendresoin.org/wp-content/uploads/2012/11/Quelques_reperes_pour_evaluer_attitudes_et_comportements_en_soins_infirmiers1.pdf

-          GONNET, A. Le travail peut-il devenir supportable ? Sociologie du travail. vol.57, n°3, 2015

-          HESBEEN, W.  Penser une relation de soins soucieuse de ce qui est vécu par chacun. Conférence du 31 mai 2016. Journée Régionale d’Education Thérapeutique - Education Thérapeutique et Vulnérabilité. Dole, 2016.  

-          LECOCQ, D. ; LEFEBVRE, et al. Le modèle de partenariat humaniste en santé. Un modèle de soins infirmiers co-construit par des patients partenaires et des professionnels. Soins. 2017, n°186, p.17-27.

-          LEGROS, C.., Coronavirus : « l’épidémie doit nous conduire à habiter autrement le monde », Le Monde, 23/03/2020

-          LEGROS C., Cynthia FLEURY « Construire un comportement collectif respectueux de l’Etat de droit », Le Monde, 28/03/2020.

-          RAVON, B. (2009). Repenser l'usure professionnelle des travailleurs sociaux. Informations sociales. 2009, n°152

-          LEMOINE E., VASSAL, P., La relation de soin à l’épreuve du mensonge, Groupe de réflexion éthique de l’espace éthique Rhône-Alpes, Ethique et santé, n°14, 2017, p.155

 

 

RECOMMANDATIONS PROFESSIONNELLES

 

-          ANAES, Information des patients : recommandations destinées aux médecins, 2000.

-          Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé, Avis n°106, Questions éthiques soulevées par une possible pandémie grippale, 2009.

-         Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santéCOVID-19, Contribution du Comité Consultatif National d’Ethique : Enjeux éthiques face à une pandémie, réponse à la saisine du ministre en charge de la santé et de la solidarité, 13 mars 2020

-          Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs, Fiche conseil, urgence sanitaire patient COVID+, Prise en charge des détresses respiratoires asphyxiantes à domicile ou en EHPAD, [en ligne]. [Consulté le 20/03/2020]. Disponible à l’adresse : http://www.sfap.org/system/files/consignes_dyspnee_et_detresses_respiratoires_covid.pdfwww.sfap.org/system/files/consignes_dyspnee_et_detresses_respiratoires_covid.pdf

-          Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs, Fiche conseil urgence sanitaire patient COVID+, prise en charge de la détresse respiratoire asphyxiante, [en ligne]. [Consulté le 20/03/2020]. Disponible à l’adresse :     http://www.sfap.org/system/files/fiche_conseil_prise_en_charge_palliative_detresse_respiratoire_terminale_covid.pdfwww.sfap.org/system/files/fiche_conseil_prise_en_charge_palliative_detresse_respiratoire_terminale_covid.pdf

-          Société Française d’Anesthésie Réanimation. Recommandations d’experts portant sur la prise en charge en réanimation des patients en période d’épidémie à SARS-CoV2 Version 3 [en ligne].  15/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://sfar.org/download/recommandations-dexperts-portant-sur-la-prise-en-charge-en-reanimation-des-patients-en-periode-depidemie-a-sars-cov2/?wpdmdl=25387&refresh=5e846920f02621585735968

 

 

WEBOGRAPHIE

 

-          BAUMAN, Z. Vivre dans la modernité liquide, interview de DE LA VEGA X., Sciences humaines [en ligne]. 2005. [Consulté le 24/03/2020]. Disponible à l’adresse :            https://www.scienceshumaines.com/vivre-dans-la-modernite-liquide_fr_5293.html,

-          CHAPUIS, E. Coronavirus : les prévisions sur la progression de l'épidémie de Covid-19 qui ont alarmé l'Elysée, Sciences et avenir [en ligne]. 2020. [Consulté le 26/03/2020].  Disponible à l’adresse : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-les-previsions-sur-la-progression-de-l-epidemie-qui-ont-alarme-l-elysee_142509,

-          GARDETTE, H. L’homme, le meilleur ami du virus [en ligne]. [Consulté le 25/03/2020]. Disponible à l’adresse :  https://www.franceculture.fr/emissions/confinement-votre/lhomme-le-meilleur-ami-du-virus

-          GOZLAN, R. ; JAGADESH, S. Comment les changements environnementaux font émerger de nouvelles maladies [en ligne]. 12/02/2020. [Consulté le 25/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967,

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-          OIIQ. Valeurs de la profession infirmière [en ligne]. 2014. Disponible à l’adresse :https://www.oiiq.org/pratique-professionnelle/deontologie/valeurs-de-la-profession-infirmiere,

-          REACH G., Non-observance thérapeutique et addiction, deux manifestations de l’impatience. Psychotropes [en ligne]2009, Vol.15, n°4, p.71-94. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2009-4-page-71.htm

-          Préfecture de la Côte d’Or. Droit funéraire et coronavirus - CoVID-19  [en ligne]. 16 mars 2020. [Consulté le 26/03/2020]. Disponible à l’adresse : http://www.cote-dor.gouv.fr/droit-funeraire-et-coronavirus-covid-19-16-mars-a8775.htmlwww.cote-dor.gouv.fr/droit-funeraire-et-coronavirus-covid-19-16-mars-a8775.html,

-          Institut Pasteur. Maladie COVID-19 (nouveau coronavirus) [en ligne]. 2020. Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/coronavirus-wuhan

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-          Organisation Mondiale de la santé. Thème de santé : flambées épidémiques [en ligne]. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.who.int/topics/disease_outbreaks/fr/

-          BOURQUIN, S. Contre le coronavirus : en quoi consistent les "plans blancs" et "plans bleus" ? [en ligne]. 24/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.infirmiers.com/les-grands-dossiers/epidemiologie/contre-coronavirus-quoi-consistent-plans-blancs-plans-bleus.html

-          Science et avenir. Coronavirus : "plan blanc maximal" et chèque en blanc pour l'hôpital [en ligne]. 13/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse :       https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-covid-19-plan-blanc-maximal-et-cheque-en-blanc-pour-l-hopital_142437

-          Organisation Mondiale de la sante. Lignes directrices pour le nouveau coronavirus (2019-nCoV) [en ligne]. 2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse :            https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance

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-          Conseil Constitutionnel [en ligne]. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse :  https://www.conseil-constitutionnel.fr/

-          Ministère des solidarités et de la santé. La gestion des alertes et des crises sanitaires [en ligne]. 18/10/2019. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse :  https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/securite-sanitaire/article/la-gestion-des-alertes-et-des-crises-sanitaires

-          LASCAR, O. Coronavirus Covid-19 : qui est dans le conseil scientifique du ministre de la Santé ?, Sciences et avenir [en ligne]. 16/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-covid-19-qui-est-dans-le-conseil-scientifique-du-ministre-de-la-sante_142500

-          HECKETSWEILER C. ; PIETRALUNGA C. Coronavirus : les simulations alarmantes des épidémiologistes pour la France, Le Monde [en ligne]. 16/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/15/coronavirus-les-simulations-alarmantes-des-epidemiologistes-pour-la-france_6033149_3244.html

-          MACRON, E. Adresse aux français, 12 mars 2020 [en ligne]. 12/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/12/adresse-aux-francais

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-          Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Plan de prévention de lutte « pandémie grippale » [en ligne]. 2009. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Plan_Pandemie_Grippale_2011.pdf

-          PHILIPPE, E. Déclaration de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre, sur le Covid-19 [en ligne]. 14/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.gouvernement.fr/partage/11444-declaration-de-m-edouard-philippe-premier-ministre-sur-le-covid-19

-          Direction de l’information légale et administrativeQu’est-ce que l’état d’urgence sanitaire ? [en ligne]. 24/03/2020. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.vie-publique.fr/fiches/273947-quest-ce-que-letat-durgence-sanitaire

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-          AIDES. Le droit à la santé et le principe d'égalité de traitement [en ligne]. 2015. [Consulté le 31/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/Rapport%20Discriminations%20complet.13-24.pdf

-          DEBACKER, P. Le HCSP assouplit les modalités de prise en charge du corps d'un patient Covid-19 [en ligne]. [Consulté le 16/03/2020]. Disponible à l’adresse : http://www.cote-dor.gouv.fr/droit-funeraire-et-coronavirus-covid-19-16-mars-a8775.htmlwww.cote-dor.gouv.fr/droit-funeraire-et-coronavirus-covid-19-16-mars-a8775.html

 

 

VIDEOTHEQUE 

 

-          YOUTUBE : “Connaître le virus” Vidéo de 2mn56

-          “Protection individuelle et contact” Vidéo de 5min01

-          “La stratégie sanitaire” qui retrace les différentes phases de l’épidémie

COVID-19 et les mesures de protection

-          YOUTUBE : “Habillage / déshabillage” réalisé par la SFRA (Société Française de Réanimation et d’Anesthésie

-          YOUTUBE : “COVID-19 : habillage et déshabillage” réalisé avec l’aide des infectiologues, des professionnels de l’unité REB et de l’EOH Groupement des hôpitaux de l’Institut Catholique de Lille

-          YOUTUBE : “Mise en place de masque FFP2” film de 1mn07

-          YOUTUBE : “FFP2 fit check” film de 28 secondes

 

 

 

 

 

 

 

 


[1]. MCS Eric Meaudre, Pour la chair d’Anesthésie Réanimation et de Médecine d’Urgence, Ecole du Val de Grace, Service de santé des armées, 16 mars 2020.