"Ambivalence de l’intelligence artificielle en réanimation. Entre espoir d’un deus ex machina et crainte d’une obsolescence du soignant"
Cyril GOULENOK a soutenu de très belle manière sa thèse de philosophie pratique le vendredi 10 janvier 2025
Thèse en Philosophie pratique intitulée :
Ambivalence de l’intelligence artificielle en réanimation. Entre espoir d’un deus ex machina et crainte d’une obsolescence du soignant
Membres du Jury :
Mme PELLUCHON Corine, directrice de thèse, Professeure des universités, Université Gustave Eiffel
Mme ALLASSONNIÈRE Stéphanie, Examinatrice, Professeure agrégée, Université Paris Cité
Mme ALOMBERT Anne, Examinatrice, Maîtresse de conférences, Université Paris 8. LLCP (EA4008)
M. CASSOU-NOGUÈS Pierre, Rapporteur, Professeur des universités, Université Paris 8. LLCP (EA4008)
M. CHARDEL Pierre-Antoine, Rapporteur, Professeur agrégé, EHESS
M. PAQUOT Thierry , Examinateur, Professeur émérite, Ecole d’Urbanisme de Paris
M. TESNIÈRE Antoine, Examinateur, Professeur agrégé, Paris Campus Santé
La médecine sera bouleversée de façon majeure et irréversible par l’avènement de l’intelligence artificielle (IA). Les
espoirs portés par la technologie témoignent de l’ambivalence de la relation qui pourrait s’établir avec elle. Cela conduit à
une oscillation entre un humain augmenté par des outils technologiques le rendant toujours plus puissant et efficace à un
humain diminué, relégué au rang d’exécutant. Dans la chaîne de soin, le maillon faible reste le soignant, sujet aux erreurs.
C’est en réduisant ces risques que l’IA pourrait obtenir une immunité face au courant technocritique. Elle sera l’oracle des
temps modernes pour le médecin qui la considérera comme un deus ex machina lui délivrant une vérité numérique. La
réanimation est un terreau fertile pour cette technologie. Les systèmes d’aide à la décision pourraient soulager le médecin
du fardeau associé à la responsabilité. Il y a cependant un piège dans cette main tendue. Le risque serait celui d’un soignant
surpassé par une technologie dominante, source d’un aveuglement prométhéen par myopie prédictive, déficience visuelle et
enfin cécité cognitive. Envahi par un sentiment d’infériorité face à ses créations plus perfectionnées que lui, il ne pourrait
que prendre conscience d’une supraliminarité le poussant à abdiquer face à la machine. Or, le soin se pense puis s’exécute.
Dissocier celui-ci en confiant la pensée à l’IA et l’action au soignant aboutirait à une schizophrénie du care. Ainsi, débordé
par les performances de l’outil technologique dont il a la paternité, il sera à l’origine de sa propre obsolescence, ne
conservant qu’un rôle figuratif en médecine. Confrontée à cette contre-productivité où l’outil domine son utilisateur, la
solution pourrait venir d’une approche philosophique pouvant être qualifiée de technosophie. Elle s’inscrit dans une
possibilité de réconcilier une médecine se voulant toujours plus performante et la phronesis dans l’appréhension des
nouvelles technologies. Alors pourra se matérialiser un co-soin conjuguant humain et technologie. L’ambivalence placée
dans cette IA s’effacerait à la faveur d’une intégration raisonnée de la technologie, de l’acceptation de limites et de la
construction d’une médecine conviviale, centrée sur le bien commun.