Tout en soulignant l’actualité de l’existentialisme, qui implique d’accepter la facticité de notre condition et éclaire le lien entre contingence et liberté, indétermination du sens et responsabilité, Corine Pelluchon montre que l’écologie exige de l’enrichir. Mais l’existentialisme écologique ne se réduit pas au coexistentialisme attestant notre appartenance à une communauté de vivants. Il suppose de prendre ses distances avec l’imaginaire terrestre et de penser l’humain en partant de la mer.
Reposant sur une ontologie liquide, cet existentialisme rompt avec l’obsession territoriale qui explique les contradictions du droit international de la mer, déchiré entre l’impératif de préservation d’un écosystème indispensable à notre survie et les rivalités économiques et militaires conduisant à sa surexploitation. Opposée à toute pensée de l’enracinement, cette phénoménologie de la vie marine met en évidence la fluidité du moi et conçoit notre immersion dans le monde commun, qui renvoie à la mémoire et à l’immémorial, à la mer-mère conçue dans sa préséance sur les terres.
Philosophe, Corine Pelluchon est professeur à l’université Gustave Eiffel. Elle est l’auteure d’une quinzaine d’ouvrages, dans lesquels elle développe une philosophie de la corporéité qui insiste sur notre vulnérabilité et notre dépendance à l’égard de la nature, des éléments et des autres vivants.
Elle a reçu en 2020 en Allemagne le prix Günther Anders de la pensée critique pour l’ensemble de ses travaux. Derniers ouvrages parus : Paul Ricœur, philosophe de la reconstruction. Soin, attestation, justice (Puf, 2022) et L’espérance, ou la traversée de l’impossible (Rivages, 2023).