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le 17 avril 2023 Johann CAILLARD a soutenu sa thèse de philosophie pratique : "L'addictologie palliative : de la créativité d'un concept nomade"

La soutenance a eu lieu le lundi 17 avril 2023, au 80 rue Rébeval, 75.019 Paris, à l’École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP), qui fait partie de l’Université Gustave Eiffel. Le jury était composé de M. Dominique FOLSCHEID, Président, M. Régis AUBRY, Mme Cynthia FLEURY, Mme Laurence LALANNE, M. François PAILLE, M. Bertrand QUENTIN, Directeur de la thèse.

A travers l’expression d’« addictologie palliative », Johann Caillard propose une offre de soins addictologiques spécifiques qui reprendrait les codes de la médecine palliative.


Il permet tout d’abord une mise à niveau au non spécialiste en nous parlant de l’addictologie classique. Il rappelle que l’addiction ne s’avère pas une version diabolique de l’humain mais pour reprendre Patrick Pharo : « un extraordinaire miroir grossissant des mécanismes des comportements humains usuels et ordinaires » et également un « emballement […] d’un état humain ordinaire ». Ce qui anime l’addict est fondamentalement ce qui animerait tous les êtres humains : la recherche du plaisir et du bien-être. L’histoire de l’addictologie a eu comme caractère fondamental de faire basculer dans le champ des maladies ce que l’on nommait alors l’ivrognerie. On passera des termes d’« ivrogne » à celui d’ « alcoolique » puis d’ « alcoolodépendant ».
Cependant il faudra attendre 1951 et la définition désormais classique du docteur Pierre Fouquet pour que l’alcoolisme soit réellement extirpé du domaine du vice : l’alcoolique est « celui qui a perdu la liberté de s’abstenir de boire. » Et avec une reformulation plus lapidaire en 1967 : La maladie addictive se caractérise par une « perte de liberté de s’abstenir ». Ce sont les années 2000 qui ensuite verront la décision politique de décloisonner les approches par produits en faisant se rejoindre sous le terme d’« addictions » les prises en charge de la toxicomanie et de l’alcoolodépendance.


La thèse de Johann Caillard est une réflexion sur le développement de soins addictologiques spécifiques que l’auteur, développe sous le terme « d’addictologie palliative », pour des patients addicts que l’on dira « au dernier stade », en impasse thérapeutique, c’est-à-dire ne répondant plus aux programmes thérapeutiques habituellement proposés : Leurs multiples ruptures du contrat minimal de soins fragilisent le cadre thérapeutique du service et compromettent l’offre de soin des autres patients. Faudrait-il les abandonner ?


Pour le corps médical en soins palliatifs, la fin de vie est le stade où l’objectif n’est plus de guérir mais plutôt de préserver jusqu’à la fin, la qualité de vie des personnes et de leur entourage. « L’addictologie palliative vise à extraire le soignant de cet impossible, à le réinscrire dans une dynamique, celle du possible persistant de la fin de vie. Il y a donc un déplacement de ce mouvement initialement dirigé vers le patient et son entourage pour aller vers le corps soignant ». Et c’est bien l’essentiel de la proposition du candidat : elle ne vise pas en premier lieu l’addict au dernier stade mais bien les soignants. En changeant le paradigme dans leurs têtes, leur rapport au patient va changer et alors seulement, cela pourra être bénéfique à ce dernier.


Le concept d’addictologie palliative est une réaction face à l’absence de réponse du patient aux traitements existants et à l’inadéquation des accompagnements tels qu’ils sont usuellement dispensés. « L’addictologie palliative se caractérise donc par la prise en compte des limites de ces personnes mais également des limites des soignants et des dispositifs d’accueil où ils exercent, éléments contextuels du risque d’apparition du duo obstination déraisonnable-rejet ».


En quoi cette addictologie palliative se distingue-t-elle du paradigme dorénavant courant de la « Réduction des Risques et des Dommages » (RdRD) ? Plusieurs éléments leur sont en effet communs : le renoncement à l’idéal d’éradication des drogues, la démarche de proximité (aller à la rencontre et prendre l’usager là où il en est dans son parcours), le non-jugement moral des pratiques d’usage ainsi que la responsabilité et la participation des usagers. Cependant « la RdRD vise à réduire les conséquences néfastes tant au niveau de la santé qu’au niveau socio-économique. (…) Là où la réduction des risques demeure plus ambitieuse, l’addictologie palliative se concentre essentiellement sur des éléments de qualité de vie. Sur ce point, il existe une plus grande proximité avec les pratiques de soins palliatifs qu’avec celles de la RdRD ». « Les pratiques de RdRD touchent un public très large. En revanche le concept d’addictologie palliative demeure une pratique de niche » « si le discours de l’addictologie palliative s’échafaude autour de la notion spécifique de dépendance, celui de la RdRD sera ciblé dans sa construction sur la consommation, ne faisant pas de distinction entre les bénéficiaires relevant d’un simple usage de ceux inscrit dans une dépendance »

Après en avoir délibéré à huis clos, le jury a décidé d'élever Johann Caillard au grade de Docteur en philosophie pratique de l'Université Gustave-Eiffel. L’université ne délivrant plus de mention ou de félicitations, il lui est néanmoins signifié, également à l’unanimité, la qualité capitale de son travail. Après avoir prononcé la décision d’admission, M. Folscheid, Président de jury a invité le docteur à prêter serment – ce qu’il a fait.